Vengeance pour un mort
guérir pour avoir besoin de ce genre d’information ?
— Je cherche à rendre la vie à un mort.
— Alors je vous dirai ce que je peux.
— Tout d’abord, réponds à cette question. Moi, Isaac de Gérone, dans le comté de Barcelone, est-ce que je parle comme un étranger ?
— Bien entendu, dit le portefaix, on voit bien que vous êtes pas du Roussillon.
— Merci, dit Isaac qui palpa sa bourse et tendit une pièce.
— Tu devras la prendre car je ne vois pas où est ta main. Il y en aura une autre si tu réponds à ma seconde question aussi bien qu’à la première.
— Posez-la, señor.
— Dis-moi ce que tu sais d’Esclarmonda.
Isaac n’entendit d’abord que le souffle régulier du portefaix, puis celui-ci prit la parole :
— Ça se fait pas comme ça, señor, mais je vais quand même essayer. Je la connais, tout le monde la connaît. J’ai entendu des histoires extraordinaires à son propos – qu’elle est la fille d’un chef maure, enlevée par des trafiquants d’esclaves, ou encore qu’elle était la favorite d’un roi de France qui n’aurait pas apprécié sa désobéissance, mais je sais à sa voix qu’elle a grandi en ville. Elle est discrète et on peut lui faire confiance plus qu’à quiconque. Si vous cherchez du plaisir auprès d’elle, señor, alors là je pourrais pas vous aider. Ça fait plusieurs jours qu’on l’a pas vue.
— Je te remercie, mon brave homme, dit Isaac en lui tendant une autre pièce. Je te souhaite d’être heureux et ne te dérangerai plus. Adieu.
— Vous a-t-il dit ce que vous désiriez savoir, seigneur ? demanda Yusuf alors qu’ils s’en retournaient vers le Call.
— Je ne suis pas certain d’avoir désiré entendre ce qu’il m’a appris, mais je suis sûr que c’était important. Es-tu fatigué, Yusuf ?
— Non, seigneur, mentit le garçon.
— Bien. Il y a encore beaucoup à faire ce soir avant que de se coucher.
Quand ils rentrèrent à la maison, Jacob, Ruth, Astruch et Raquel étaient assis dans la cour. Ils parlaient peu, mais étaient incapables d’aller au lit.
— Papa, dit Raquel, où étiez-vous ? Vous avez disparu sans prévenir.
— Je croyais que tu étais habituée aux absences soudaines de ton vieux père, répondit-il d’un ton affectueux. Mais ne t’inquiète pas. Yusuf m’a emmené rendre visite à des amis qu’il s’est faits en ville.
— Des amis ? demanda Ruth. Mais où vivent-ils ?
— Au marché aux grains, à ce que je sais.
— Dans le marché ? dit Raquel en s’installant à côté de son père. Sont-ce des souris ?
— Exactement. De très grosses souris. Elles se nourrissent de grains, voient et entendent tout, mais ne comprennent que ce qui les concerne.
— Oh, fit Astruch, si vous commencez à philosopher, cela devient trop compliqué pour moi. Je crois que je vais me coucher. Développez cette fable au déjeuner et je l’entendrai avec grand intérêt. Bonne nuit.
Astruch se retira.
— Je crains que, comme maître Astruch, je ne sois trop lasse pour rester avec vous, annonça enfin Raquel. Je vais voir si Don Arnau dort paisiblement et si sa dame n’a besoin de rien. Ensuite, j’irai au lit.
— C’est très aimable à vous, ma chère, dit Ruth, vous m’épargnez cette tâche.
— Attends encore quelques minutes, veux-tu, ma chérie ?
— Bien sûr, papa. Vous désirez quelque chose ?
— Pas encore.
Une voix résonna dans la salle principale.
— Vous êtes encore debout, disait-elle. J’ai cru entendre parler.
— David, fit son frère, je ne m’attendais pas…
— J’ai soif. Et j’ai chaud. Je savais que vous auriez quelque chose de rafraîchissant. Ah, un pichet de menthe à l’orange ! La meilleure façon d’étancher ma soif après tout ce vin.
— Mais votre épouse ! s’indigna Ruth.
— Bonafilla dort à poings fermés et je ne crois pas qu’elle s’éveille avant mon retour. Elle a vécu une dure journée. Vous aussi, ma sœur. Je ne vous remercierai jamais assez pour tout ce que vous avez fait pour nous. Aucun couple n’a connu de noces plus splendides. Mon propre plaisir ne m’a pas empêché de voir à quel point nos hôtes se réjouissaient.
— Merci, dit Ruth.
— Mais vous avez l’air épuisée. Jacob, il faut l’envoyer au lit.
— Oui. Ruth, ma mie, allez vous reposer, je vous en prie.
Ruth souhaita à son tour une bonne nuit à tous.
Dès qu’il entendit ses pas résonner
Weitere Kostenlose Bücher