Vengeance pour un mort
reprendre la route si nous voulons arriver à destination avant la nuit.
Leah et Ester descendirent péniblement de la charrette et elles entreprirent de déballer toutes sortes de mets : pain, olives, poisson salé cuit dans l’huile et les herbes, bœuf braisé et poulet rôti, mais aussi fruits et amandes sans oublier un tonnelet d’excellent vin.
Bonafilla mit pied à terre et se dirigea vers le ruisseau. Elle s’agenouilla au bord de l’eau, ôta son premier voile, qu’elle déposa à terre, et repoussa le second, plus léger, pour dégager son visage. Elle avait la figure rouge de chaleur et couverte de sueur. Elle se pencha et s’aspergea d’eau fraîche.
— J’aime bien l’endroit que vous avez trouvé, papa, dit-elle avec une bonne humeur qu’on ne lui avait pas connue depuis le départ.
Au même moment, une saute de vent emporta le voile posé au bord du ruisseau. Elle tendit la main pour le rattraper, mais en vain.
— Mon voile ! s’écria-t-elle en désignant le carré d’étoffe.
Il voleta un instant au-dessus de leurs têtes puis prit la direction de la vallée. Il remonta ensuite vers la colline, où il s’accrocha à l’une des branches les plus hautes d’un chêne.
— Nous n’avons pas le temps de courir après un voile, lui dit Astruch. Nous t’en trouverons un autre à Perpignan. Et puis, de toute façon, tu n’as pas besoin des deux.
Sous la surveillance des deux serviteurs, les bêtes furent lâchées pour aller paître, et les voyageurs s’attaquèrent avec enthousiasme à leur dîner. Chaque membre du groupe s’était installé pour manger dans un endroit de son choix. Astruch et Duran optèrent pour un bouquet de pins ombragé, les serviteurs se regroupèrent près des charrettes et Bonafilla s’étendit dans l’herbe drue tandis que Raquel, Yusuf et Isaac s’asseyaient près du ruisseau, adossés à des rochers. Ils s’étaient levés avant l’aube et ils avaient parcouru de nombreux milles ce matin ; des heures s’étaient écoulées depuis le déjeuner. Tout le monde était fatigué. Rien ne venait les déranger, hormis le murmure du ruisseau et le fracas lointain des vagues sur la grève. Quelques minutes après avoir fini de manger, chacun s’endormit.
Isaac se réveilla le premier, ne sachant s’il avait été dérangé par un bruit ou tout simplement par le sentiment du temps qui passe. Il secoua Raquel et Yusuf avant de se préparer à continuer.
— Yusuf, regarde où en est le soleil, lui demanda Raquel avant d’aller trouver Astruch Afaman.
— Allons, tout le monde debout ! cria-t-il. Si nous voulons passer la nuit sous un toit, il faut repartir sans tarder.
Tandis que le petit groupe venu de Gérone rangeait ses affaires, s’aspergeait la figure d’eau pour mieux se réveiller et se préparait à affronter la route, les quatre investisseurs du syndicat d’affrètement de la Santa Maria Nunciada se retrouvaient une fois encore dans la salle à manger de Pere Vidal afin d’y discuter de leurs problèmes.
— J’ai convoqué tout le monde cet après-midi, dit Pere Vidal, parce que des nouvelles assez troublantes m’ont été rapportées.
— J’espère que cela ne prendra pas trop de temps, dit Ramon Julià. Je dois quitter la ville avant la tombée du jour. On m’attend ailleurs.
— Nous en aurons fini bien avant le coucher du soleil, Don Ramon, répliqua Pere Vidal de sa voix la plus suave.
— Quelles nouvelles ? s’enquit Pere Peyro.
— Je tiens de source sûre que Don Arnau Marça est mort ce matin. Son corps a quitté la ville dans le plus grand secret pour y être inhumé au château auprès de ses ancêtres.
— Vous en êtes certain ? demanda Peyro.
— Oui. Je le tiens d’une personne du palais. Doña Johana y séjourne aux côtés de la princesse. Elle vient de quitter les lieux pour accompagner son mari dans son ultime voyage.
— Qu’est-ce que cela change ? demanda vivement Martin. Rien. Après tout, que Marça soit en France ou au tombeau, n’est-ce pas la même chose en ce qui nous concerne ?
— Sauf que Marça au tombeau, comme vous dites, ne témoignera pas à notre procès, Martin, répondit Peyro.
— Nous devons déposer une plainte à son encontre, ajouta Vidal. Après tout, n’a-t-il pas dirigé le chargement de la cargaison ?
— Don Arnau ? dit Peyro. Cela dépend du moment exact où il a renvoyé son homme de confiance. En tout cas, il semble probable qu’il
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