Vengeance pour un mort
servante.
— Trouve Ester, ordonna-t-elle, qu’elle apporte du vin à sa maîtresse, le plus vite possible.
Elle guida la jeune femme en pleurs dans la chambre et la fit asseoir sur une chaise.
— Restez là, lui dit-elle. Bon, qu’est-ce que c’est que toute cette histoire ?
— David croit…
— Ne vous occupez pas de ça. Vous avez parlé si fort que j’ai pu entendre chacune de vos paroles. Vous lui avez dit que ce n’était pas ce qu’il croyait. Je sais ce qu’il croyait. Alors, qu’est-ce donc ?
Ester ouvrit la porte. Elle apportait une cruche de vin et une autre d’eau tirée du puits. De son tablier, elle tira deux gobelets. Dans chacun d’eux, elle versa une bonne quantité de vin et compléta par de l’eau. Elle en prit un et le porta aux lèvres de sa maîtresse.
— Buvez, maîtresse, dit-elle froidement. Ensuite vous pourrez parler.
Elle lui versa du liquide dans la bouche, lui donnant ainsi le choix entre boire ou tout recracher sur sa robe. Elle but, et l’effort pour avaler interrompit les spasmes nés du chagrin et de la vexation.
— Alors ? reprit Raquel. Qu’est-ce que c’est ? S’il n’est pas votre amant, si vous ne l’avez pas rencontré à Gérone où vous avez tout arrangé, comment expliquez-vous votre comportement ?
— C’est donc ce que vous pensez ? Ce n’est pas ça, je vous le jure, dit la jeune femme hagarde. D’après ce que je sais, il n’est jamais venu à Gérone, et je ne l’y ai jamais vu.
— Pourtant, après cette rencontre inopinée sur la route où il vous a conté fleurette, tout au plus, vous prenez le risque de ruiner votre mariage, votre réputation, tout ? C’est encore pis.
— Pardonnez-moi, maîtresse Raquel, intervint Ester, mais ce n’est pas qu’une rencontre insignifiante. N’est-ce pas vrai, maîtresse ?
— Je ne sais de quoi tu parles, répondit Bonafilla, à nouveau sûre d’elle-même. Et je refuse d’être accusée et questionnée comme une criminelle par ma propre servante.
Ester ignora la remarque de sa maîtresse et s’adressa directement à Raquel.
— Je n’étais pas avec maîtresse Bonafilla pendant ce terrible orage. Elle s’est trouvé un abri dans les bois et je suis revenue aux chariots parce que l’on y était plus au sec. Quand je l’ai revue, elle était dans un tel état, maîtresse, que vous ne le croiriez pas. Toute mouillée, pleine de boue, des feuilles collées dans le dos, sa robe froissée, et puis sa chemise couverte de sang…
— Bien sûr que j’avais de la boue, rétorqua Bonafilla. Je me suis abritée dans un espace si petit que j’ai dû me recroqueviller, et je me suis écorché les bras et les jambes en y entrant et en en sortant…
Le ton de sa voix montait au point de friser l’hystérie.
— Je n’ai pas eu cette impression, maîtresse, dit Ester à Raquel. Je me suis demandé qui était avec elle dans les bois pendant tout ce temps, mais je n’ai jamais douté de ce qu’ils y faisaient. C’était évident.
Les larmes de Bonafilla coulaient à nouveau. Elle eut le hoquet, enfouit son visage dans le linge qu’Ester lui tendit et refusa de regarder les autres.
Raquel prit son gobelet, s’assit sur le lit et se tourna vers Bonafilla.
— Qu’allons-nous faire ?
— Il ne peut que découvrir la vérité, dit Ester. Que va-t-il décider alors ?
— J’avais si peur de l’orage, se défendit Bonafilla. J’ai cru que nous allions mourir, j’avais si peur, je n’ai pas réfléchi…
— C’est évident, oui. Mais ce n’est pas ce qui m’étonne le plus. Pourquoi continuer à le rencontrer ? Vous pensez qu’il va résoudre vos problèmes ? Vous espérez qu’il va vous épouser ?
— Non, ce n’est pas ça, Raquel. Vous vous fourvoyez complètement. Ce n’est pas ce que je veux : en vérité, David est l’homme le plus merveilleux que je connaisse. Mais il a dit que si je ne venais pas et ne faisais pas ce qu’il exigeait, il agirait en sorte que David et tout le monde soient au courant. Il a dit qu’il apporterait une preuve…
— Quelle preuve a-t-il en dehors de sa parole ?
— Il a pris le petit anneau que je tiens de ma mère. Mon père le reconnaîtra tout de suite parce qu’il l’a fait faire pour elle…
— Vous le lui avez donné, dit Raquel.
— Je n’ai pas réfléchi, gémit à nouveau Bonafilla. Je ne savais pas à quoi je consentais, j’avais si peur…
— Eh bien, réfléchissez à
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