Victoria
massés sur un talus, repoussent à la baïonnette des Zoulous invisibles. À gauche, des infirmiers en uniforme noir emportent sur leur dos des blessés en chemise blanche. Devant, un homme en soigne un autre avec des bandages que vient de lui apporter un petit chien fox-terrier. Victoria frémit quand Elizabeth décrit les blessures. Elizabeth Thompson a épousé Sir William Francis Butler, officier irlandais de l’armée britannique.
« En 1874, lui dit Victoria, j’ai rencontré votre futur époux à l’hôpital de Netley, parmi les blessés de la guerre contre les Ashanti en Afrique de l’Ouest. »
Dans son tableau, Lady Butler a fait des portraits individuels des combattants qui se sont distingués lors de cette bataille. Victoria les nomme au fur et à mesure qu’elle les reconnaît.
En Afrique du Sud, le général Chelmsford a finalement réussi à vaincre les Zoulous à Ulundi. Le roi Cetshwayo est fait prisonnier et le Natal cesse de représenter un danger pour le Transvaal.
Par contre, en Afghanistan, la guerre reprend. En septembre, lors d’une insurrection à Kaboul, la mission britannique est attaquée et le résident, Sir Pierre Louis Napoleon Cavagnari, est tué. Sir Frederick Roberts défait l’armée afghane et occupe la capitale. Les Britanniques s’efforcent une fois de plus de mettre en place à Kaboul un pouvoir qui leur soit docile.
Ces guerres coloniales entraînent des dépenses d’énergie et d’argent qui font défaut à la politique intérieure du Royaume-Uni. Or le pays s’enfonce dans la crise économique. Les conditions météorologiques de l’année 1879 sont si désastreuses que les récoltes pourrissent sur pied. Les usines ne parviennent plus à écouler leur production. Les paysans sont dans la disette, les ouvriers au chômage ou gravement sous-payés, et les commerçants grevés de dettes. Le développement de l’éclairage électrique, découlant des inventions d’Edison, fait s’effondrer le marché du gaz. De grandes banques, comme la City of Glasgow Bank et la West of England Bank, font faillite. Comme pour couronner cette année désastreuse, dans les derniers jours de l’année un ouragan dévaste le nord du pays. En Écosse, un récent pont de chemin de fer, sur l’estuaire de la Tay, est balayé par la tornade au moment où un train le traverse. Mille mètres de voies s’écroulent avec la locomotive et les wagons dans la mer agitée. Les corps des soixante-quinze occupants sont emportés par la marée.
Pour tenter de pallier la famine qui menace en Irlande, le gouvernement fait voter une loi de soutien financier. Parnell proteste à juste titre que la mesure est inadaptée, parce que les aides doivent être versées aux fermiers par les propriétaires qui les expulsent.
C’est une erreur de trop pour les tories, tenus pour responsables des malheurs du pays. Gladstone et les autres ténors de l’opposition poussent leur avantage. Beaconsfield décide de dissoudre le Parlement, pensant qu’il peut encore gagner les élections législatives. Gladstone fait une campagne de génie, taillant Beaconsfield en pièces dans des discours enflammés. En mars 1880, les conservateurs sont balayés par un raz-de-marée électoral. Victoria apprend la défaite de Beaconsfield alors qu’elle se trouve à Baden, où elle prend de brèves vacances après la confirmation des filles d’Alice.
« Le premier danger dans le pays est Mr Gladstone, écrit-elle d’Allemagne à Ponsonby, la Reine le perçoit, et elle préfère abdiquer plutôt que de s’en remettre ou de s’adresser de quelque manière que ce soit à ce boutefeu à moitié fou qui aurait tôt fait de tout réduire à néant et de devenir un dictateur . D’autres qu’elle se soumettront peut-être à sa férule, mais pas la Reine . »
« Sir Henry Ponsonby, poursuit-elle, dit que “Mr Gladstone est loyal et dévoué à la Reine ” !!! Il n’est ni l’un ni l’autre , car personne NE PEUT l’être, qui ne recule devant aucun moyen, contrairement à tout ce que la Reine pense qu’elle ou ses prédécesseurs ont jamais vu ou vécu, pour diffamer , attaquer , accuser de toutes sortes d’iniquités un ministre qui a dû faire face à des temps et des problèmes des plus difficiles, et qui a montré un dépit impardonnable et honteux, une haine personnelle pour Lord Beaconsfield qui a ramené l’Angleterre dans la position qu’elle avait perdue sous le gouvernement de
Weitere Kostenlose Bücher