Victoria
près leur seule boisson. »
Les admirateurs du « William du peuple » surnomment le grand homme « G. O. M. », pour « Grand Old Man ». Sous la plume de son vieil ennemi Beaconsfield, cela devient « la seule erreur de Dieu », « God’s Only Mistake ».
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Lorsque Lord Carnavon négocia l’annexion du Transvaal en 1877, il pensait que les Boers ne pouvaient que se réjouir d’intégrer l’Empire britannique. Or, dès que l’Afrique du Sud se trouve suffisamment à l’abri des Zoulous du Natal, elle entreprend de se libérer de la tutelle anglaise. Le 16 décembre 1880, l’indépendance du Transvaal est proclamée par l’ancien président de la République Paul Kruger, qui constitue un triumvirat avec Piet Joubert et Marthinus Pretorius. Les Boers, formant des commandos de tireurs à cheval, harcèlent les forces britanniques. Les soldats de Sa Majesté, surpris par ces techniques de guérilla, leurs tuniques rouges offrant des cibles faciles aux francs-tireurs, sont rapidement mis en difficulté. Ils sont sévèrement battus à Bronkhorstspruit, puis à Majuba.
« Il faut céder aux exigences des Boers », dit Victoria à Gladstone. La Grande-Bretagne n’est pas particulièrement acharnée à se maintenir. L’importance stratégique de ce pays ne lui paraît pas absolument cruciale. Ses ressources, pour autant que l’on sache, demeurent essentiellement agricoles. Au mois de mars 1881, un armistice est signé, et le Transvaal retrouve son autonomie républicaine, tout en restant, pour l’instant, sous protectorat britannique.
En Afghanistan, le général Roberts a vaincu les derniers rebelles d’Ayub Khan à Kandahar. Les Britanniques installent au pouvoir l’émir Abdur Rahman, tout en gardant la haute main sur les affaires étrangères du pays. Ils conservent les territoires frontaliers acquis par le traité de Gandamak. La sécurité des frontières occidentales de l’Inde paraissant ainsi suffisamment assurée, leurs troupes se retirent.
Gladstone et ses ministres ne partagent pas l’intérêt de Beaconsfield pour le « grand jeu » d’une stratégie impérialiste. Ils estiment que le Royaume-Uni a suffisamment de ménage à faire chez lui. À vrai dire, le problème irlandais les préoccupe au premier chef. Gladstone mène une politique de conciliation. Les nationalistes visent l’indépendance. Depuis deux ans déjà, Parnell et ses amis ont fondé la « Ligue de la terre », qui entend rendre aux fermiers la terre qu’ils travaillent. Certains ligueurs, acquis aux idées socialistes, verraient plutôt une collectivisation. Quoi qu’il en soit, ils organisent une « guerre de la terre », entre les paysans très majoritairement catholiques et les propriétaires protestants qui pratiquent des fermages exorbitants pour les expulser. L’explosion de violence que cela déchaîne pourrait mener à la guerre civile. Pour la contenir, les membres de la Ligue préconisent plutôt le boycott , dont ils inventent la méthode en même temps que le terme. Ils convoquent de vastes rassemblements, refusent collectivement de payer les loyers, ostracisent ceux qui le font, paralysent le système judiciaire par une profusion de témoignages incohérents.
Cet activisme atteint très bien son premier objectif, celui de mettre en échec la politique gouvernementale. Il s’avère impossible de remédier à la situation en Irlande sans en changer les fondements politiques. Le gouvernement libéral se voit contraint de prendre des mesures de maintien de l’ordre, que les nationalistes appellent « lois de coercition ». Les ministres radicaux font pression sur Gladstone pour l’en empêcher, en menaçant de démissionner.
« La reine apprend de Lord Hartington que Mr Bright et Mr Chamberlain auraient démissionné si de fortes mesures de coercition avaient été proposées plus tôt, et qu’il a été considéré comme important de veiller à ce qu’ils ne le fassent pas, avec les quelques radicaux qui les suivraient, et que pour cette raison la session parlementaire a donc été retardée. Ce danger-là est sans comparaison avec celui, croissant d’heure en heure, qu’il y a à permettre à une situation comme celle qui sévit en Irlande de perdurer. La loi est ouvertement défiée, bafouée, et un tel exemple pourrait s’étendre à l’Angleterre, s’il s’avère efficace en Irlande. Il doit être réprimé, et rien d’autre que l’audace et la fermeté ne
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