Vies des douze Césars
« Vous savez ce dont j’ai besoin. Faisons en sorte qu’il ne reste rien à qui que ce soit. » (7) Enfin il enleva les offrandes d’un grand nombre de temples, et fit fondre les statues d’or et d’argent, entre autres celles des dieux pénates que dans la suite Galba rétablit.
XXXIII. Son rôle dans le meurtre de Claude. Il empoisonne Britannicus
(1) Ce fut par Claude qu’il commença ses meurtres et ses parricides. S’il ne fut pas l’auteur de sa mort, il en fut du moins le complice. Il s’en cachait si peu, qu’il affectait de répéter un proverbe grec, en appelant « mets des dieux » les champignons qui avaient servi à empoisonner Claude. (2) Il outrageait sa mémoire par ses paroles et par ses actions, en l’accusant tour à tour de folie et de cruauté. Il disait qu’il avait cessé de demeurer parmi les hommes, en appuyant sur la première syllabe de morari en sorte que cela signifiât qu’il avait cessé d’être fou. Il annula beaucoup de décrets et de règlements de ce prince comme des traits de bêtise ou de folie. Enfin il n’entoura son tombeau que d’une mince et chétive muraille. (3) Il empoisonna Britannicus parce qu’il avait la voix plus belle que la sienne, et qu’il craignait que le souvenir de son père ne lui donnât un jour de l’ascendant sur l’esprit du peuple. (4) La potion que lui avait administrée la célèbre empoisonneuse Locuste étant trop lente à son gré et n’ayant occasionné à Britannicus qu’une simple diarrhée, Néron appela cette femme et la frappa de sa main, l’accusant de ne lui avoir fait prendre qu’une médecine au lieu de poison. Comme elle s’excusait sur le dessein qu’elle avait eu de cacher un crime si odieux : « Crois-tu donc, lui dit-il, que je craigne la loi Julia ?", et il l’obligea de composer devant lui le poison le plus prompt et le plus actif qu’il lui serait possible. (5) Il l’essaya sur un chevreau qui n’expira que cinq heures après. Il le fit recuire à plusieurs reprises, et le donna à un marcassin qui mourut sur-le-champ. Sur l’ordre de Néron, on l’apporta dans la salle à manger et on le servit à Britannicus qui soupait avec lui. (6) Le jeune prince tomba dès qu’il l’eut goûté. Néron dit alors aux convives que c’était une épilepsie à laquelle il était sujet. Le lendemain, par une pluie battante, il le fit ensevelir à la hâte et sans aucune pompe. (7) Pour prix de ses services, Locuste reçut l’impunité, des terres considérables et même des disciples.
XXXIV. Il fait tuer sa mère et la sœur de son père
(1) Néron commençait à se fatiguer de sa mère, qui épiait et critiquait avec aigreur ses paroles et ses actions. Il essaya d’abord de la rendre odieuse, en disant qu’il abdiquerait l’empire et se retirerait à Rhodes. Bientôt il lui ôta tous ses honneurs et toute sa puissance, lui enleva sa garde et ses Germains ; enfin il la bannit de sa présence et de son palais. Il eut recours à tous les moyens pour la tourmenter. Était-elle à Rome, des affidés de Néron lui suscitaient des procès ; à la campagne, ils l’accablaient de railleries et d’injures, en passant près de sa retraite par terre ou par mer. (2) Cependant, effrayé de ses menaces et de sa violence, Néron résolut de la perdre. Trois fois il essaya de l’empoisonner ; mais il s’aperçut qu’elle s’était munie d’antidotes. Il fit disposer un plafond qui, à l’aide d’un mécanisme, devait s’écrouler sur elle pendant son sommeil. (3) L’indiscrétion de ses complices éventa son projet. Alors il imagina un navire pouvant se disloquer, destiné à la submerger ou à l’écraser par la chute du plafond. Il feignit donc de se réconcilier avec elle, et, par une lettre des plus flatteuses, l’invita à venir à Baïes célébrer avec lui les fêtes de Minerve. Là, il ordonna aux commandants des galères de briser, comme par un choc fortuit, le bâtiment liburnien qui l’avait amenée, tandis que, de son côté, elle prolongeait le festin. Lorsqu’elle voulut s’en retourner à Baules, il lui offrit, au lieu de sa galère avariée, celle qu’il avait fait préparer. Il la reconduisit gaiement et lui baisa même le sein en se séparant d’elle. (4) Il passa le reste de la nuit dans une grande inquiétude, attendant le résultat de son entreprise. (5) Quand il eut appris que tout avait trompé son attente, et qu’Agrippine s’était échappée à la nage, il
Weitere Kostenlose Bücher