Vies des douze Césars
ne sut que résoudre. Au moment où l’affranchi de sa mère, Lucius Agermus, venait lui annoncer avec joie qu’elle était saine et sauve, il laissa tomber en secret un poignard près de lui, le fit saisir et mettre aux fers, comme un assassin envoyé par Agrippine ; puis il ordonna qu’on la mît à mort, et répandit le bruit qu’elle s’était tuée elle-même, parce que son crime avait été découvert. (6) On ajoute des circonstances atroces mais sur des autorités incertaines. Néron serait accouru pour voir le cadavre de sa mère, il l’aurait touché, aurait loué ou blâmé telles ou telles parties de son corps, et, dans cet intervalle, aurait demandé à boire. (7) Malgré les félicitations des soldats, du sénat et du peuple, il ne put ni alors, ni plus tard, échapper aux remords de sa conscience. Souvent il avoua qu’il était poursuivi par le spectre de sa mère, par les fouets et les torches ardentes des Furies. (8) Il fit faire un sacrifice aux mages pour évoquer et fléchir son ombre. Dans son voyage en Grèce, il n’osa point assister aux mystères d’Éleusis, parce que la voix du héraut en écarte les impies et les hommes souillés de crimes. (9) À ce parricide, Néron joignit le meurtre de sa tante. Il lui rendit visite pendant une maladie d’entrailles qui la retenait au lit. Selon l’usage des personnes âgées, elle lui passa la main sur la barbe, et dit en le caressant : « Quand j’aurai vu tomber cette barbe, j’aurai assez vécu. » Néron se tourna vers ceux qui l’accompagnaient, et dit comme en plaisantant qu’il allait se la faire abattre sur-le-champ ; puis il ordonna aux médecins de purger violemment la malade. Elle n’était pas encore morte qu’il s’empara de ses biens ; et, pour n’en rien perdre, il supprima son testament.
XXXV. Ses mariages et ses divorces. Il fait périr ses femmes Octavie et Poppée. Sénèque et Burrhus
(1) Indépendamment d’Octavie, il épousa Poppaea Sabina, fille d’un questeur, mariée auparavant à un chevalier romain, et Statilia Messalina, arrière-petite-fille de Taurus, honoré deux fois du consulat et du triomphe. (2) Pour se l’approprier, il assassina son mari, le consul Atticus Vestinus, dans l’exercice de ses fonctions. (3) Dégoûté bientôt d’Octavie, il dit à ses amis qui lui en faisaient des reproches, que les ornements matrimoniaux devaient lui suffire. (4) Après avoir inutilement essayé plusieurs fois de l’étrangler, il la répudia comme stérile. Mais, voyant que les Romains blâmaient ce divorce et s’emportaient en invectives contre lui, il l’exila d’abord, et enfin la fit périr comme coupable d’adultère. La calomnie était si révoltante, que tous ceux qui furent mis à la torture ayant protesté de son innocence, Néron aposta son pédagogue Anicetus, qui avoua qu’il avait abusé d’Octavie par ruse. (5) Néron épousa Poppée douze jours après qu’il eut répudié Octavie, et l’aima passionnément ; ce qui ne l’empêcha pas de la tuer d’un coup de pied, parce qu’étant enceinte et malade, elle lui avait reproché trop vivement d’être rentré tard d’une course de chars. (6) Elle lui avait donné une fille nommée Claudia Augusta qui mourut en bas âge. (7) Il n’y eut désormais aucune espèce de lien qui pût garantir de ses attentats. (8) Il accusa de conspiration et fit mourir Antonia, fille de Claude, qui refusait de prendre la place de Poppée. Il traita de même tous ceux qui lui étaient attachés ou alliés, entre autres le jeune Aulus Plautius, qu’il viola avant de le faire conduire à la mort, en disant : « Que ma mère aille maintenant embrasser mon successeur, » faisant entendre par là qu’Agrippine l’aimait et lui faisait espérer l’empire. (9) Son beau-fils Rufrius Crispinus qu’il avait eu de Poppée, s’amusait à jouer aux commandements et aux empires. C’en fut assez pour qu’il ordonnât à ses esclaves de le noyer dans la mer quand il irait à la pêche. (10) Il exila Tuscus, son frère de lait, parce qu’étant gouverneur d’Égypte, il avait fait usage des bains qu’on avait construits pour l’arrivée de l’empereur. (11) Il obligea son précepteur Sénèque de se donner la mort, quoique ce philosophe lui eût souvent demandé son congé en lui offrant tous ses biens, et que Néron lui eût saintement juré que ses craintes étaient vaines, et qu’il aimerait mieux mourir que de lui faire aucun mal. (12) Au
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