Vies des douze Césars
maître, refusaient toute espèce de nourriture et versaient d’abondantes larmes. (5) De son côté, l’haruspice Spurinna l’avertit, pendant un sacrifice, de prendre garde à un danger qui ne le menacerait pas au-delà des ides de mars. (6) La veille de ces mêmes ides, un roitelet qui se dirigeait, portant une petite branche de laurier, vers la curie de Pompée, fut poursuivi et mis en pièces par des oiseaux de différentes espèces sortis d’un bois voisin. (7) Enfin, la nuit qui précéda le jour du meurtre, il lui sembla, pendant son sommeil, qu’il volait au-dessus des nuages, et une autre fois qu’il mettait sa main dans celle de Jupiter. Sa femme Calpurnie rêva aussi que le faîte de sa maison s’écroulait, et qu’on perçait de coups son époux dans ses bras ; et les portes de la chambre s’ouvrirent brusquement d’elles-mêmes. (8) Tous ces présages, et le mauvais état de sa santé, le firent hésiter longtemps s’il ne resterait pas chez lui, et ne remettrait pas à un autre jour ce qu’il avait à proposer au sénat. Mais Decimus Brutus l’ayant exhorté à ne pas faire attendre en vain les sénateurs, qui étaient réunis en grand nombre et depuis longtemps, il sortit vers la cinquième heure. Sur son chemin, un inconnu lui présentait un mémoire où était dévoilée toute la conjuration ; César le prit, et le mêla avec d’autres qu’il tenait dans sa main gauche, comme pour les lire bientôt. (9) Plusieurs victimes, qu’on immola ensuite, ne donnèrent que des signes défavorables ; mais, bravant ces scrupules religieux, il entra dans le sénat, et dit, en raillant, à Spurinna « qu’il s’inscrivait en faux contre ses prédictions, puisque les ides de mars étaient venues sans amener aucun malheur. » - « Oui, répondit l’haruspice, elles sont venues, mais ne sont pas encore passées. »
LXXXII. Il est tué dans le sénat
(1) Lorsqu’il s’assit, les conjurés l’entourèrent, sous prétexte de lui rendre leurs devoirs. Tout à coup Tillius Cimber, qui s’était chargé du premier rôle, s’approcha davantage comme pour lui demander une faveur ; et César se refusant à l’entendre et lui faisant signe de remettre sa demande à un autre temps, il le saisit, par la toge, aux deux épaules. « C’est là de la violence, » s’écrie César ; et, dans le moment même, l’un des Casca, auquel il tournait le dos, le blesse, un peu au-dessous de la gorge. (2) César, saisissant le bras qui l’a frappé, le perce de son poinçon, puis il veut s’élancer ; mais une autre blessure l’arrête, et il voit bientôt des poignards levés sur lui de tous côtés. Alors il s’enveloppe la tête de sa toge, et, de la main gauche, il en abaisse en même temps un des pans sur ses jambes, afin de tomber plus décemment, la partie inférieure de son corps étant ainsi couverte. (3) Il fut ainsi percé de vingt-trois coups : au premier seulement, il poussa un gémissement, sans dire une parole. Toutefois, quelques écrivains rapportent que, voyant s’avancer contre lui Marcus Brutus, il dit en grec : « Et toi aussi, mon fils !» Quand il fut mort, tout le monde s’enfuit, et il resta quelque temps étendu par terre. Enfin trois esclaves le rapportèrent chez lui sur une litière, d’où pendait un de ses bras. (4) De tant de blessures, il n’y avait de mortelle, au jugement du médecin Antistius, que la seconde, qui lui avait été faite à la poitrine. (5) L’intention des conjurés était de traîner son cadavre dans le Tibre, de confisquer ses biens , et d’annuler ses actes : mais la crainte qu’ils eurent du consul Marc-Antoine et de Lépide, maître de la cavalerie, les fit renoncer à ce dessein.
LXXXIII. Son testament.
(1) Son testament fut donc ouvert, sur la demande de Lucius Pison son beau-père, et on en fit la lecture dans la maison d’Antoine. César l’avait fait aux dernières ides de septembre, dans sa propriété de Lavicum ; il l’avait ensuite confié à la grande Vestale. (2) Quintus Tubéron rapporte que, dans tous ceux qu’il écrivit depuis son premier consulat jusqu’au commencement de la guerre civile, il laissait à Cn. Pompée son héritage, et qu’il avait lu cette clause devant une assemblée de soldats. (3) Mais dans le dernier il nommait trois héritiers ; c’étaient les petits-fils de ses sœurs, savoir : Gaius Octavius pour les trois quarts, et Lucius Pinarius avec Quintus Pedius pour l’autre
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