Vies des douze Césars
quart. Par une dernière clause, il adoptait Gaius Octavius et lui donnait son nom. Il désignait parmi les tuteurs de son fils, pour le cas où il lui en naîtrait un, plusieurs de ceux qui le frappèrent. Decimus Brutus était aussi inscrit dans la seconde classe de ses héritiers. Enfin, il léguait au peuple romain ses jardins près du Tibre, et trois cents sesterces par tête.
LXXXIV. Ses funérailles
(1) Le jour de ses funérailles étant fixé, on lui éleva un bûcher dans le champ de Mars, près du tombeau de Julie, et l’on construisit, devant la tribune aux harangues, une chapelle dorée, sur le modèle du temple de Vénus Genetrix. On y plaça un lit d’ivoire couvert de pourpre et d’or, et à la tête de ce lit un trophée, avec le vêtement qu’il portait quand il fut tué. (2) La journée ne paraissant pas devoir suffire au défilé de tous ceux qui voulaient apporter des offrandes, on déclara que chacun irait, sans observer aucun ordre et par le chemin qui lui plairait, déposer ses dons au champ de Mars. (3) Dans les jeux funèbres, on chanta des vers propres à exciter la piété pour le mort et la haine contre les meurtriers ; vers qui étaient tirés du Jugement des armes, de Pacuvius, par exemple :
Les avais-je épargnés, pour tomber sous leurs coups ?
et des passages de l’Électre d’Atilius, qui pouvaient offrir les mêmes allusions. (4) En guise d’éloge funèbre, le consul Antoine fit lire par un héraut le sénatus-consulte qui décernait à César tous les honneurs divins et humains, puis le serment par lequel tous les sénateurs s’étaient engagés à défendre la vie du seul César. Il ajouta fort peu de mots à cette lecture. (5) Des magistrats en fonction ou sortis de charge portèrent le lit au forum, devant la tribune aux harangues. (6) Les uns voulaient qu’on brûlât le corps dans le sanctuaire de Jupiter Capitolin ; les autres dans la curie de Pompée. Tout à coup, deux hommes, portant un glaive à la ceinture, et à la main deux javelots, y mirent le feu avec des torches ardentes ; et aussitôt chacun d’y jeter du bois sec, les sièges et les tribunaux des magistrats, enfin tout ce qui se trouvait à sa portée. (7) Bientôt après, des joueurs de flûte et des acteurs, qui avaient revêtu, pour cette cérémonie, les ornements consacrés aux pompes triomphales, s’en dépouillèrent, les mirent en pièces, et les jetèrent dans les flammes ; les vétérans légionnaires y jetèrent en même temps les armes dont ils s’étaient parés pour les funérailles ; et même un grand nombre de matrones, les bijoux qu’elles portaient, avec les bulles et les prétextes de leurs enfants. (8) Une foule d’étrangers prirent part à ce grand deuil public, manifestèrent à qui mieux mieux leur douleur, chacun à la manière de son pays. On remarqua surtout les Juifs, lesquels veillèrent même, plusieurs nuits de suite, auprès de son tombeau.
LXXXV. Fureur du peuple contre ses meurtriers
(1) Le peuple, aussitôt après les funérailles, courut avec des torches aux maisons de Brutus et de Cassius, et n’en fut repoussé qu’avec peine. Sur sa route, cette foule tumultueuse rencontra Helvius Cinna, et, par suite d’une erreur de nom, le prenant pour Cornelius, à qui elle en voulait pour avoir prononcé, la veille, un discours véhément contre César, elle le tua, et promena sa tête au bout d’une pique. (2) Plus tard on éleva dans le forum une colonne de marbre de Numidie, d’un seul bloc et de près de vingt pieds, avec cette inscription : « Au père de la patrie » ; et ce fut pendant longtemps un usage d’y offrir des sacrifices, d’y former des vœux, et d’y régler certains différents, en jurant par le nom de César.
LXXXVI. Son mépris de la vie. Sa sécurité
(1) Certains de ses parents eurent l’impression que César ne voulait pas vivre davantage, ni se soucier d’une santé qui se détériorait ; c’est pourquoi il aurait négligé les avertissements de la religion et les conseils de ses amis. (2) Il en est aussi qui pensent que, rassuré par le dernier sénatus-consulte et par le serment prêté à sa personne, il avait renvoyé une garde espagnole qui le suivait partout, le glaive à la main. (3) D’autres, au contraire, lui prêtent cette pensée, qu’il aimait mieux succomber une fois aux complots de ses ennemis, que de les craindre toujours. Selon d’autres encore, il avait coutume de dire « que
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