Vikings
Haraldsen voulait-il en venir ? Quels obscurs secrets de Rollon avait-il réussi à percer ? Et surtout, où se trouvait la fin de cette saga, pour autant qu’elle avait déjà été écrite ?
Un bruit feutré et inhabituel venu du couloir le tira subitement de sa lecture. Storman se leva et prit son revolver. En silence, il se dirigea vers la porte de sa chambre qui, conformément au règlement, n’était pas fermée à clé. Il fixa la poignée comme s’il s’agissait d’un ennemi à tenir en respect. Il se préparait à y poser la main quand celle-ci commença à bouger doucement. Storman serra d’une main la crosse de son revolver et de l’autre, ouvrit la porte d’un geste brusque. Il pointa son arme vers le visage de son visiteur nocturne avant de la rabaisser aussi vite.
— Herr Sievers, s’exclama-t-il, embarrassé. Je... Je ne savais pas...
— Lâchez cela et taisez-vous, répondit son supérieur en le poussant à l’intérieur. Vous tenez absolument à réveiller tout le Wewelsburg ?
Particulièrement contrarié d’avoir été tenu en joue par un de ses hommes, l’officier entra dans la chambre et se dirigea vers la chaise qui faisait face à la petite table où avait coutume de travailler Storman. Il y prit place puis se passa la main sur le visage avec lassitude. Il resta comme cela quelques secondes, sans bouger.
— Y a-t-il quelque chose que je puisse faire pour vous, Herr Secrétaire Général ? interrogea Storman, visiblement de plus en plus mal à l’aise.
— Commencez par vous asseoir, lâcha l’officier. Et puis vous m’écouterez.
Storman s’exécuta, heureux d’avoir enfin reçu un ordre. Il faisait partie de ces hommes qui estimaient, conformément à la loi de la nature, que l’obéissance primait sur tout autre comportement. En bon membre de la SS, il savait que le rôle de l’inférieur était d’obéir à son chef en ne cherchant jamais à comprendre ni à expliquer ses ordres et encore moins à les contester.
— Storman, commença Sievers. Le temps presse... Bientôt tout ce que nous avons construit risque de s’écrouler.
Pendant qu’il parlait, l’officier renversa un presse-papiers orné d’une croix gammée qui décorait la table de Storman. L’objet en cuivre et en marbre n’avait aucune valeur, mais il pesait assez lourd pour provoquer un petit bruit sourd en tombant sur le bois de la table : « ploc ». Storman fut étonné de ce comportement étrange ; il n’était guère habituel de voir un officier de la SS manipuler avec autant de désinvolture un symbole du parti et du Reich, mais il se garda bien de faire le moindre commentaire.
— Voyez-vous, poursuivit-il en redressant la croix gammée sur sa liasse de documents, nous sommes plusieurs à estimer que le Reich court de terribles dangers. Des périls de nature à mettre fin au rêve que nous poursuivons et pour lequel nous avons juré honneur et fidélité. En déclarant la guerre à tous nos voisins et en ouvrant deux fronts, notre Führer a peut-être, comment dirais-je... préjugé de nos forces. Mais je laisse ces considérations stratégiques aux militaires qui sont mieux placés que moi pour les juger. En revanche, l’Allemagne souffre d’autres maux, beaucoup plus sournois et insidieux. Malheureusement, peu nombreux sont ceux qui s’en aperçoivent. Nous traquons sans relâche nos ennemis et je dois reconnaître que notre efficacité va sans cesse croissante dans la mise au pas des races inférieures. Mais nous oublions de combattre le pire ennemi qui se dresse face à nous pour nous écarter de notre destinée.
Sievers s’interrompit net et Storman ressentit la même impression de malaise qui était la sienne lorsqu’il s’était assis dans la pièce, quelques minutes auparavant. C’était plus fort que lui, il devait à tout prix briser le silence qui s’installait entre les deux hommes.
— De quel ennemi voulez-vous parler, Herr Sievers ?
— Nous-mêmes ! répondit d’une voix sourde l’officier. Notre plus implacable ennemi, le seul de nature à nous faire trébucher sur le glorieux sentier où nous nous sommes engagés.
Le secrétaire général de l’Ahnenerbe se leva comme s’il voulait reprendre des forces. Il détailla le portrait d’Hitler encadré d’une stricte baguette de bois brun. Il regardait l’image de son chef suprême et ses yeux ne trahissaient aucun sentiment envers lui. De la peur ? Du respect ? De l’animosité ?
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