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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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d’être nettoyées. Le poste est agréable ; mais le peuple galeux à l’excès. Mon pied me fait mal et je ne puis me chausser. Forcé de demeurer assis, je continue le Master of Ballantrae.
    Le petit orphelin lépreux, abandonné de tous, à qui Marc avait assuré huit jours de manioc (mais la femme qui devait le nourrir n’a pas tenu parole)… de ma vie je n’ai vu créature plus misérable.
    Bambari, 13 octobre.
     
    Hanté par le souvenir du petit lépreux, par le son grêle et comme déjà lointain de sa voix – de Foroumbala à Alindao, où nous déjeunons ; puis à Bambari où nous n’arrivons qu’à la nuit tombante (soit dix heures de Ford) maints menus accidents tout le long de la route ; pannes diverses ; un pont crève sous nous et je ne sais comment nous ne culbutons pas dans la rivière.
    Bambari, 14 octobre.
     
    Ce matin, dès l’éveil, danse des Dakpas {24} . Vingt-huit petits danseurs, de 8 à 13 ans, badigeonnés de blanc de la tête aux pieds ; coiffés d’une sorte de casque que hérissent une quarantaine de dards noirs et rouges ; sur le front une frange de petits anneaux de métal. Chacun tient à la main un fouet fait en jonc et cordes tressées. Certains ont les yeux encerclés d’un maquillage en damier noir et rouge. Une courte jupe en fibre de rafia complète cet accoutrement fantastique. Ils dansent en file indienne, gravement, aux sons de vingt-trois trompes de terre ou de bois d’inégales longueurs (trente centimètres à un mètre cinquante) dont chacune ne peut donner qu’une note. Une autre bande de douze Dakpas, plus âgés, ceux-ci tout noirs, déroule ses évolutions en sens inverse de la première. Une douzaine de femmes se mêlent bientôt à la danse. Chaque danseur avance à petits pas saccadés qui font tinter les bracelets de ses chevilles. Les joueurs de trompe forment cercle ; au milieu d’eux une vieille femme bat la mesure avec un plumeau de crins noirs. À ses pieds un grand démon noir se tord dans la poussière, en proie à de feintes convulsions, sans cesser de souffler dans sa trompe. Le vacarme est assourdissant, car, dominant le beuglement des trompes, tous, à la seule exception des petits danseurs blancs, chantent, hurlent à tue-tête, inlassablement, un air étrange (que par ailleurs j’ai noté).
    Départ vers deux heures pour les Moroubas. Beau temps. Peuple très beau ; enfin des peaux nettes et saines. Très beau village. Les cases rondes seraient toutes semblables, n’étaient les peintures qui les décorent extérieurement ; sortes de fresques sommaires à trois couleurs, noir, rouge et blanc, représentations schématiques, parfois élégantes, d’hommes, d’animaux et de voitures automobiles. Ces décorations sont abritées par le toit de chaume, qui déborde amplement, couvrant une sorte de couloir circulaire tout autour de la case.
    Admirables graminées, des deux côtés de la route, semblables à des avoines gigantesques, en vieil argent doré.
    En pleine brousse, émouvante rencontre du Gouverneur Lamblin.
    Une heure plus tard ; nous retrouvons, à vingt kilomètres des Moroubas où nous devons passer la nuit, M me  de Trévise et le docteur Bossert, fort occupés à recenser les indigènes qu’ils viennent de vacciner.
    15 octobre.
     
    Coucher aux Moroubas {25} .
    Lamblin, hier, nous a conseillé de pousser jusqu’à Fort-Crampel, au lieu de gagner directement Fort-Sibut.
    La contrée change d’aspect : forêt clairsemée ; arbres pas plus hauts que les nôtres, ombrageant de hautes graminées, et une nouvelle sorte de fougère. Déjeuner aux M’Bré. Paysage très pittoresque, entouré de rochers ; on se croirait aux environs de Fontainebleau. De mon premier coup de fusil, j’abats un grand vautour, perché tout au sommet d’un arbre mort. N’ayant encore jamais chassé, je suis émerveillé de ce succès {26} .
    Entre les M’Bré et Fort-Crampel, rencontre d’une bande de cynocéphales ; ils se laissent approcher de très près ; quelques-uns sont énormes.
    Villages assez beaux, mais très pauvres. Dans l’un d’eux, une soixantaine de femmes pilonnent les rhizomes à caoutchouc en chantant ; travail interminable, très misérablement rémunéré.
     
    À Fort-Crampel, une formidable et subite tornade, à la tombée de la nuit, couche bas quantité de céaras fragiles, dont on voit s’envoler au loin les ramures, tout autour du poste et particulièrement entre notre gîte et la demeure de

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