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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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traversée de forêt, à Sapoua. Réapparition du palmier-liane.
    Fait la route à pied. Sapoua, triple ou quadruple village, de plus d’un kilomètre de long, dans un grand espace de savane, semé de grands palmiers rôniers – encerclé lointainement par la forêt. Quantité d’enfants ; certains exquis, que nous retenons près de nous. Un joueur d’instrument bizarre : une calebasse, qu’on tient entre les jambes, au milieu d’un bambou, comme un arc tendu sur six (?) cordes. Il chante avecbeaucoup de subtilité, de délicatesse, de nuances, ce que notre interprète traduit : « J’ai tellement de chiques dans mon pied, que je ne peux plus marcher. »
    Vers le soir je traverse la savane accompagné de quatre enfants, et gagne la lisière de la forêt. Bain général dans les eaux couleur de thé d’une claire rivière à fond de sable blanc. D’autres enfants m’apportent une quantité de jolis petits hannetons. J’admire combien, quoique de même espèce et de même sexe, ceux-ci peuvent différer les uns des autres. Au muséum, l’on m’avait déjà montré divers exemples de cette diversité, à laquelle ne semblent avoir droit que les mâles. Serait-elle particulière aux régions tropicales ?
    Il fait une chaleur étouffante.
     
    Arrivée du manioc pour nos porteurs. Vingt-quatre petits paniers, portés par vingt-quatre petites filles. Sur chaque pain de manioc, une poignée de chenilles frites ; quelques cannes à sucre. « Il y en a pour 5 francs », dit le caporal ; j’en donne le double – car j’ai compris depuis hier, que l’on fait payer au blanc un prix établi fort au-dessous de la valeur réelle. C’est ainsi que le poulet, pour lequel le blanc donne 1 franc, est payé 3 francs par l’indigène. Un de nos porteurs, hier, nous demandait d’acheter à sa place un poulet, que lui paierait trois fois plus cher {50} .
    On nous apporte des crevettes de rivière ; très grosses, semblables à du « bouquet », n’étaient les pattes de devant, extrêmement longues et terminées par de très petites pinces. Cuites, leur chair reste molle et gluante.
    12 novembre.
     
    Cette nuit, médiocre tam-tam, commandé par nous ; que je quitte vite, mais qui retient Marc jusqu’à une heure tardive. Nuit très médiocre ; bêlements incessants des chèvres autour de notre case. Lever à cinq heures et demie ; aube pure, ciel lavé où baigne, presque au zénith, un quartier de lune. Quantité d’énormes palmiers rôniers (tronc renflé, feuilles en éventail ; grappes d’énormes pommes orangées) donnent à la steppe un aspect noble et étrange. Pas un souffle n’agite les hautes herbes ; la route que nous devons suivre est une allée de sable blanc. Départ un peu difficile car nous avons, hier soir, renvoyé quatre hommes prêtés par M’Bengué, sur l’assurance qui nous fut donnée par les chefs, que Sapoua les pourrait remplacer. Les quatre hommes attendus ne sont pas présents à l’appel. Il faut partir. Nous laissons le garde derrière nous. Ce n’est qu’à la première étape (je veux dire au premier village traversé, à dix kilomètres de Sapoua), que nous constatons que les quatre nouveaux porteurs sont des femmes, tous les hommes valides, nous dit le garde, s’étant esquivés dans la brousse au dernier moment, pour échapper à la réquisition. Ce qui ajoute à notre indignation, c’est que les charges laissées aux femmes par nos autres porteurs, sont de beaucoup les plus lourdes. Souvent, les types les plus costauds s’emparent ainsi des charges légères et partent vite de l’avant, pour éviter le contrôle. Nous donnons à chaque femme un billet de cent sous, espérant par notre générosité provoquer le regret des hommes ; – espoir bien vain, car, sitôt de retour dans leur village, les femmes remettront aux hommes ces billets.
    La marche de ce matin eut une allure triomphale ; dès le premier village, réception enthousiaste ; chants, cris admirablement rythmés ; peuple d’aspect propre et vigoureux ; nous mettons pied à terre ; les porteurs de mon tipoye ont pris de l’avance. Ce n’est plus de la marche, c’est une sorte de course, escortée de tam-tams, d’une troupe d’enfants rieurs ; plusieurs se proposent comme boys. À partir de ce village, et jusqu’à Pakori, où nous arrivons vers onze heures pour camper, une escorte se forme ; les chants (chœurs alternés) des tipoyeurs, des gens des villages, ne cessent plus.

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