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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Gide
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presque à la nuit nous voyons voler, au-dessus de la rive de sable, de nouveau cet étrange oiseau dont je parlais déjà (avant Bouca). Un coup de fusil de Coppet l’abat. Il tombe dans le fleuve, où Adoum va le repêcher. Deux énormes pennes non garnies et n’ayant que la tige centrale, partent de l’aileron, presque perpendiculairement au reste des plumes. À peu près deux fois de la longueur totale de l’oiseau, elles écartent de lui, paradoxalement, deux disques assez larges, à l’extrémité de ces tiges, que l’oiseau, semble-t-il, peut mouvoir et dresser à demi, indépendamment du mouvement des ailes. Coppet, qui me donne l’oiseau pour le muséum, l’appelle « l’oiseau aéroplane » et affirme que certains naturalistes en offrent six mille francs ; non qu’il soit extrêmement rare ; mais il ne se montre qu’à la tombée de la nuit et son vol fantasque le protège.
    Boïngar.
     
    Petit village. Quantité de métiers à tisser, occupés le plus souvent par des enfants. Marc cinématographie un de ceux-ci, tout jeune encore, d’une habileté prodigieuse. La bande qu’il tisse n’a que quelques centimètres de large et semble une bande pour pansements. Pour constituer une pièce d’étoffe, ces bandes sont reliées l’une à l’autre dans le sens de la largeur. (Il en faut jusqu’à 48, à hauteur de ceinture, pour un pantalon). Le métier est on ne peut plus simple : deux pédales croisent les fils de la trame ; un peigne suspendu en travers de la bande retombe sur la chaîne après chaque passage de navette. Les fils de la trame sont tendus au loin par un petit panier plat posé à terre et qu’alourdit ce qu’il faut de cailloux pour le coller au sol. L’enfant, à mesure qu’il travaille et que s’allonge la bande de « gabak » enroule celle-ci entre ses jambes et tire à lui le panier. Il chantonne en travaillant et son chant rythme l’élan de la navette.
    Plus loin, dans un enclos de seccos, sept établis sont rangés côte à côte. Sans doute l’administration exige-t-elle du village une certaine quantité de gabak. Ce travail est confié souvent à des captifs, nous dit-on, le travail « noble » étant celui des cultures et de l’élevage.
    Beauté de ce tissage et même de la matière première indigène que rien ne vient adultérer. On suit la fabrication depuis le début. Aucune intervention extérieure. On parle de réformer cela. Pourquoi ? Un peu de snobisme aidant, ce « home spun » ferait prime sur le marché.
     
    Un aigle-pêche ur, au milieu du fleuve, captif de sa proie trop énorme, se débat et rame des ailes, anxieusement, vers le rivage.
     
    Fort-Lamy. Sa laideur. Sa disgrâce.
    À part ses quais assez bien plantés et sa position au sommet de cet angle que forment en se rejoignant le Chari et le Logone, – auprès d’Archambault, quel étriquement ! Au sortir de la ville, en amont, deux surprenantes tours d’égale hauteur ; énormes bâtisses de briques qu’on sent avoir été terriblement coûteuses et qui servent nul ne sait à quoi.
    La ville indigène double la ville française, parallèlement au fleuve et s’étend en profondeur à chaque extrémité et forme proprement deux villes. Chacune également sordide, poussiéreuse, saharienne juste assez pour évoquer certaines oasis sud-algériennes – combien plus belles ! L’argile qui sert aux murs des maisons est de grain rude et de ton cendreux ; constamment mêlée de sable ou de paille. Les gens paraissent tous craintifs et sournois.
    On apprend que la morne ville se dépeuple lamentablement. Fièvre récurrente et émigration. Les indigènes, qu’on ne laisse plus libres ni de se réunir pour un tam-tam, ni même de circuler dans leurs propres villages, une fois la nuit tombée, s’embêtent et fichent le camp. Les blancs retenus ici par leurs fonctions s’embêtent et rongent leur frein.
     
    Je mène Adoum à l’hôpital de Fort-Lamy, et demande au D r  X… de bien vouloir procéder à un examen microscopique de son sang, car je m’inquiète de savoir si ce garçon, décidément, a la vérole, ainsi que Labarbe le prétendait.
    L’examen ne donne qu’un résultat négatif. Mais alors, ces bubons, à Bouar ? – Simplement du crow-crow, dont nous avions souffert également, Marc et moi ; dans son cas, compliqué par une adénite. Adoum n’a rien. Il ne s’en montre nullement surpris.
    – Je savais bien que je n’avais pas la vérole. Où

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