Voyage en Germanie
tête pouvait tomber amoureuse de moi.
Petronius lâcha un grondement agacé.
— Tu as entrepris des recherches ?
— Comment le pourrais-je ? Helena peut se trouver n’importe où entre la Lusitanie et le désert nabatéen. Laisse tomber, Petro : j’ai assez joué les imbéciles !
— Enfin bon, les femmes ne font jamais de grands voyages seules…
Pour sa part, Petronius avait toujours manifesté une prédilection pour les petites choses timides et toutes simples… ou, en tout cas, pour les femmes qui le persuadaient d’être telles.
— Les femmes ne sont pas censées faire des voyages. Mais ce n’est pas cette simple règle qui découragera Helena !
— Pourquoi a-t-elle pris la clé des champs ?
— Là, tu m’en demandes trop, Petronius.
— Ah ! mais je comprends : Titus !
Un des soldats de mon ami avait dû repérer les gardes prétoriens pendant qu’ils siégeaient devant chez moi.
— Alors là, tu es cuit, Falco, de toute façon !
J’informai Petronius que l’optimisme des gens commençait à me fatiguer, puis je le plantai là et m’éloignai d’un pas flasque.
Quand une nouvelle convocation arriva du palais, émanant en apparence de Vespasien, je compris qu’en réalité ce devait être Titus qui manigançait pour m’expédier en coulisses. Je réprimai ma contrariété et me promis d’extorquer les honoraires les plus élevés possibles.
En prévision de mon entrevue avec la pourpre, je fis un effort vestimentaire, comme Helena l’aurait souhaité. Je mis une toge. Je me fis couper les cheveux. Je gardai les lèvres pincées pour dissimuler mon rictus républicain. C’était là le maximum qu’un quelconque palais puisse attendre de moi.
Vespasien et son fils aîné gouvernaient l’Empire en véritables partenaires. Je demandai à voir le père, mais l’individu chargé de l’accueil devait avoir du mastic dans les oreilles. Malgré l’invitation rédigée de la main de son père, c’était apparemment Titus qui était de service ce soir-là pour s’occuper des suppliques, amnisties et piliers de bar en goguette de mon acabit.
— Trompé de salle du trône ! fis-je en guise d’excuse quand le larbin dévitalisé m’amena chez Titus. J’ai cru comprendre que l’intérêt de l’Empire serait mieux servi si on m’expédiait au diable ! Le bruit court que ton noble père souhaite me faire une épouvantable proposition que je brûle d’entendre.
Titus perçut ma pique à l’égard de ses intentions personnelles. À l’annonce de mon éventuel départ, il lâcha un rire bref auquel je ne fis pas écho. Il adressa un geste à un esclave, signifiant probablement à ce dernier de me mener à l’empereur, puis nous retint.
— Je m’efforce d’obtenir des nouvelles de certaine personne de tes clientes, Falco, lança-t-il… avec un peu trop de désinvolture.
— Alors comme ça, elle nous a semés tous les deux ! Quelle explication t’a-t-elle donnée ?
Titus ne répondit pas ; au moins Helena me gratifiait-elle, moi, de messages furibonds. Ragaillardi, je risquai un sarcasme :
— Elle est en voyage. Une visite à son frère, apparemment. Elle a reçu voilà peu une lettre du noble Ælianus, qu’un affront imaginaire avait mis hors de ses gonds.
Je ne vis pas la nécessité d’embrouiller Titus en ajoutant que j’étais l’objet de cette colère. Il fronça les sourcils, l’air soupçonneux.
— Mais si son frère est contrarié, il serait plus logique qu’elle évite de le rencontrer ?
— La réaction d’Helena Justina consisterait plutôt à se précipiter tout droit chez lui.
Titus gardait l’air sceptique. Il me semble qu’il eut lui-même une sœur, une fille irréprochable mariée à un cousin, et qui, toute jeune, mourut en couches, comme sont censées le faire les Romaines de bonne famille.
— Helena aime prendre les choses de front, expliquai-je.
— Ah oui ! souligna-t-il non sans un soupçon d’ironie. (Puis il reprit, plus pensif :) Camillus Ælianus est en Espagne bétique, n’est-ce pas ? Mais il est sans doute trop jeune pour la fonction de questeur ?
Les futurs sénateurs sont généralement affectés aux finances provinciales juste avant leur élection officielle à la Curie lors de leurs 25 ans. Le frère d’Helena avait encore deux ou trois ans à attendre.
— Ælianus est le fils sur qui reposent les espoirs de toute la famille.
Si Titus en pinçait pour Helena, il allait falloir qu’il potasse un peu la
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