Will
à présent en selle, ont surgi
de l’arrière de l’église, arc en main. Tous deux ont tiré sur mes
poursuivants ; deux soldats sont aussitôt tombés en hurlant et ont commencé
à se rouler par terre. Siarles, qui transportait Gwion devant lui sur sa selle
et tenait d’une main les rênes d’un des grands chevaux ffreincs, fonçait à ma
rencontre. « Il faut y aller », m’a-t-il dit en me lançant les rênes.
J’ai attrapé les rênes et tenté de hisser mon pied jusqu’à
l’étrier, mais j’étais incapable de soulever ma jambe. Les Ffreincs étaient
presque sur nous. « Partez ! Allez-y ! Je suis juste derrière
vous. »
Siarles a fait pivoter sa monture et est parti au galop sans
un regard en arrière. J’ai essayé une fois encore de passer mon pied gauche
dans l’étrier. Au moment où je suis parvenu à attraper la barre avec mon
orteil, le cheval, effrayé par toute cette confusion, s’est mis à gigoter
latéralement. Incapable de tenir les rênes avec mes mains pleines de sang, je
les ai senties glisser inexorablement de ma prise. En déséquilibre sur une
jambe, je suis tombé à la renverse, me tortillant sur la terre congelée. J’essayais
encore de me remettre sur pied quand les Ffreincs ont accouru et se sont
emparés de moi.
J’ai aperçu un mouvement rapide au-dessus de ma tête et le
bout d’une lance s’est écrasé dessus…
« Voilà, Odo, voilà comment ils m’ont attrapé. »
Il lève sa main tachée d’encre de la page et me regarde de ses yeux tristes. Je
hausse les épaules. « Le reste, tu le sais déjà.
— Les autres se sont échappés. » La résignation
dans sa voix est si épaisse que vous pourriez la bourrer dans votre chaussure.
« Exactement. Sans encombre. Heureusement pour moi, le
shérif dormait comme la grosse baderne ivre qu’il était, sans quoi j’aurais été
pendu haut et court sans attendre. Le temps qu’il se réveille, l’abbé Hugo
m’avait déjà fait attacher les mains et les pieds, résolu à m’infliger ses
sinistres pratiques. »
Odo se gratte le nez avec la pointe de sa plume. Il
réfléchit à quelque chose, essaie de trouver un moyen de le formuler. Je peux
le voir se débattre avec ses pensées. Comme j’ai tout le temps que Dieu veut
bien m’accorder, je ne rechigne pas à le laisser vider son sac.
« À propos de cette nuit, finit-il par dire. Est-ce que
Siarles a fait exprès de vous abandonner ?
— Eh bien, je n’ai pas arrêté de me poser la question.
La vérité, c’est que je n’en sais rien. Est-ce qu’il aurait pu m’aider à
m’échapper ? Aurait-il pu faire davantage ? Oui. Mais rappelle-toi,
il avait Gwion Bach avec lui, et toute autre tentative de secours aurait mis
nos trois vies en péril. Aurait-il pu dire à Iwan ou à Bran de revenir ?
Oui, il aurait pu faire ça. Il l’a peut-être fait, je n’en sais rien. Mais une
fois encore, les Ffreincs ont tout de suite été sur moi, je crois que personne
n’aurait pu empêcher ma capture. » J’écarte les mains et le gratifie d’un
haussement d’épaules. « J’aurais plus ou moins fait la même chose, je
suppose.
— Vous auriez fait en sorte qu’il s’échappe, Will.
— Voyons, Odo, comment oses-tu dire une chose pareille.
On pourrait croire que tu t’inquiètes du sort du vieux Will ici présent. »
Il me répond par une expression misérable, puis baisse les
yeux sur son petit morceau de parchemin.
« N’oublie pas qu’il faisait sombre et froid, et que
tout s’est passé très vite. Personne n’aurait pu faire de miracle. Je n’ai pas
eu de chance, voilà tout. Et depuis le début, si tu veux mon avis. » Je
marque une pause pour méditer sur cette nuit. « Non, mon seul regret est
de ne pas avoir tué le shérif quand nous en avons eu l’occasion.
— Pourquoi ne l’avez-vous pas tué ?
— Nous avions dans l’idée de l’amener devant la
justice. Je pense que Bran voulait qu’il réponde de ses actes devant le roi.
Dieu sait comment nous y serions parvenus. Bran avait un plan, je suppose. Il a
presque toujours un plan. »
Odo hoche la tête. Il réfléchit. Je peux voir les minuscules
roues de sa pensée tourner dans sa tête. « Quid de l’anneau et de
la lettre ?
— Eh bien quoi ?
— Eh bien, à qui étaient-ils destinés ?
— Eh bien, je me suis posé la question, moi aussi. La
lettre était adressée au pape, donc je suppose qu’ils lui étaient
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