Will
pas. » Je suis prêt à tout pour garder
allumée cette minuscule étincelle. « Peut-être pas, comme tu dis. Mieux
vaut probablement laisser les rois et les nobles régler ça entre eux. Sans
doute sont-ils les mieux placés pour en juger. »
Odo bâille et s’étire. Il ramasse son encrier et son canif,
se lève, et se traîne jusqu’à la porte de ma cellule, où il hésite. « Dieu
soit avec vous, Will. » Il a l’air presque embarrassé, me semble-t-il.
« Dieu soit avec toi, Odo. » Une fois qu’il est
parti, je m’allonge sur mon lit de fortune, bercé par les aboiements des
chiens, persuadé qu’il y a quelque chose de très important dans toute cette
affaire de papes… si seulement ma tête bornée pouvait découvrir quoi.
CHAPITRE 33
Coed Cadw
Le mal était fait. D’un seul coup malavisé, Bran avait
réduit à néant les desseins soigneusement réfléchis d’Angharad pour vaincre les
envahisseurs ffreincs et les bouter hors de l’Elfael. D’une folle ruée
impulsive, il avait anéanti des mois de travail subtil et, elle pouvait
parfaitement l’imaginer, attisé le courroux de l’ennemi jusqu’à chauffer à
blanc son désir de vengeance. Pour cela et pour bien d’autres choses,
l’Hudolion en voulait à Bran – mais plus encore à elle-même. Angharad
s’était autorisée à croire qu’elle avait réussi à débarrasser Bran de cette
rage irraisonnée qui couvait en lui quand elle l’avait rencontré la première
fois. Qu’elle avait, à la longue, éteint le feu dévorant d’une colère qui,
comme l’ awen des champions légendaires des temps anciens, engloutissait
parfois le seigneur de l’Elfael. La rage le plongeait dans les flammes rouge
sang d’une folie meurtrière – un attribut utile pour un guerrier, sans
doute, mais beaucoup moins pour un roi. Qu’on ne s’y trompe pas, c’était un roi
qu’elle voulait pour l’Elfael, pas simplement un nouveau guerrier.
Hélas, il n’y avait rien d’autre à faire à présent que de
recoller les morceaux pour voir si quelque chose pouvait être sauvé de cette
désastreuse tentative de capturer le shérif.
Ce qu’elle avait vu dans la grotte en examinant les flots du
temps et des événements l’avait poussée à revenir à Cél Craidd en toute hâte.
Ses vieux os étaient loin de se mouvoir avec la promptitude d’autrefois, et
elle était arrivée trop tard pour empêcher Bran de mettre en œuvre son ridicule
projet. La petite garde était déjà partie pour Saint-Martin et le sort en était
jeté.
La sage Hudolion attendait le retour des maraudeurs. Vêtue
de son Manteau de l’Esprit aviaire, elle se tenait sous le Chêne du Conseil
pour les recevoir. « Je te salue, grand roi, les gens de l’Elfael peuvent
dormir en paix cette nuit grâce à la formidable victoire que tu as remportée en
leur nom sur les Ffreincs. » Quand le reste de la tribu se fut rassemblé
autour d’eux, elle ajouta : « Je vois un cheval sans cavalier. Où est
Will Écarlate ?
— Capturé », marmonna Bran. La foule étouffa un
cri, et Nóin se précipita hors du rassemblement.
« Capturé, tu dis ? roucoula l’Hudolion. Oh, c’est
une belle réussite, à rien point douter. Cela faisait-il partie de ton plan,
sage roi ? »
Abattu par son échec, Bran savait fort bien qu’il avait
commis une terrible erreur, et il n’était pas d’humeur à endurer ses
moqueries – aussi méritées soient-elles. « Silence, femme ! Je n’en
écouterai pas davantage. Nous en parlerons demain.
— Oui, grommela-t-elle, le soleil levant rendra toute
chose nouvelle et les actes commis dans l’obscurité disparaîtront en même temps
que les ténèbres.
— Vous allez trop loin ! » Empli de
lassitude, mortifié par la perte de Will, Bran ne souhaitait rien d’autre que
se réfugier dans sa hutte et, comme un chien de meute battu, lécher ses
blessures. « Regardez, dit-il en désignant Gwion Bach, comme Siarles
aidait le gamin à descendre de sa monture. Nous avons tiré ce garçon des griffes
des Ffreincs. Ils l’auraient tué.
— Oh ? Vraiment ? ironisa-t-elle, ses yeux
brillants de colère. Il ne t’est pas venu à l’esprit que le gamin s’est fait
prendre parce qu’il te suivait ? »
Bran inspira avant de lui répondre, mais, se rendant compte
qu’elle avait raison, referma la bouche et se détourna de son mépris.
Comme Bran ne répondait pas, la vieille femme ajouta :
« Trop tard pour faire
Weitere Kostenlose Bücher