Will
pas faire le voyage et quelques hommes pour les protéger. Nous
irions à Caer Wintan – connu par les Anglais sous le nom de
Winchester – pour écouter la décision royale quant à la restitution de nos
terres. « Le roi doit rencontrer les gens dont l’existence dépend de son
jugement, a dit Angharad. Nous devons y aller tous ensemble, et nous tenir
devant lui tous ensemble.
— Et s’il n’accepte pas de nous recevoir en
troupeau ? a demandé Iwan quand il l’a appris.
— Il parlera à tous, ou à personne, a répondu Bran, car
ainsi il jugera de ce qui est juste pour nous tous, et pas seulement pour
moi. »
Le jour suivant, Bran a envoyé Siarles avec un cheval
supplémentaire à l’abbaye de Saint-Dyfrig pour aller chercher frère Jago, et
douze jours avant la Saint-Michel, nous sommes partis. Ce n’est pas rien de
garder autant de personnes en mouvement, je peux vous le dire. Nous étions
trente en tout, en comptant les jeunes. Nous voyagions à pied, les chevaux servant
à transporter les provisions et les réserves. En fait, aucun de nous n’avait de
monture à l’exception d’Angharad, à qui la promenade aurait demandé beaucoup
trop d’efforts. Ses vieux os n’auraient pas tenu tout le voyage, je pense, car
c’est une sacrée distance qui sépare Caer Wintan de l’Elfael.
Le temps restait au beau fixe – des journées chaudes,
des nuits fraîches et sèches. Nous campions là où nous le décidions – avec
un si grand nombre de gens dont une bonne partie portait un arc long, nous ne
redoutions pas vraiment d’être harcelés par les Anglais ou les Normands. Le
seul véritable risque était de ne pas atteindre Caer Wintan à temps, car à
mesure que les jours passaient, les kilomètres ont commencé à s’allonger et les
gens à se fatiguer. Ils demandaient à se reposer plus souvent, ce qui rendait
notre odyssée plus lente que ce que Bran avait escompté. « Ne t’inquiète
pas, lui a dit frère Tuck. Tu pourras toujours en prendre quelques-uns avec toi
et partir en avant, pas vrai ? Tu arriveras là-bas à temps, pas
d’inquiétude. »
Bran a catégoriquement rejeté cette idée. Nous y arriverions
tous ensemble, ou bien pas du tout. C’était pour ces gens que nous faisions
tout ça, aussi le roi devrait-il regarder dans les yeux chacun d’entre eux pour
décider de leur destin. Il n’y avait rien à faire d’autre que voyager plus
vite.
Cette nuit-là, il nous a tous réunis pour nous répéter les
raisons pour lesquelles nous allions voir le roi et ce que cela signifiait. Il
nous a expliqué pourquoi c’était d’une importance vitale que nous arrivions en
temps et en heure. « Le roi William ne doit avoir aucun grief contre nous,
ni la moindre raison de changer d’avis. Il nous faut endurer les épreuves de la
route, mes amis, car nous ne faisons pas tout ça pour nous seuls, mais pour
tous les gens de l’Elfael qui ne peuvent pas nous rejoindre. Nous le faisons
pour les fermiers qui ont été chassés de leurs champs et les familles de leurs
maisons, pour les veuves qui ont perdu leur mari et ceux qui restent sous la
menace du gibet. Nous le faisons pour tous ceux qui ont été forcés de
travailler dans les odieuses forteresses du baron et dans sa ville, pour ceux
qui ont dû fuir en exil seuls et sans amis. Nous le faisons pour ceux qui
viendront après nous pour nous aider à porter le fardeau de la reconquête de ce
que nos ennemis nous ont pris. Oui, et pour tous ceux qui sont morts avant que
nous fassions ceci. Leur sacrifice ne sera pas vain. » Il a regardé tous
les individus qui se trouvaient rassemblés autour de lui, ses yeux pleins d’une
hargne communicative. « Nous ne le faisons pas pour nous seuls, mais pour
tous ceux qui ont souffert de l’oppression ffreinc. »
Ainsi a-t-il fortifié nos esprits éreintés, avec des paroles
d’encouragement et d’espoir. Le lendemain, il nous a poussés sans cesse à
accélérer le pas ; quand il voyait quelqu’un traîner en arrière, il se
hâtait d’aller l’aider. Parfois, on avait l’impression qu’il était partout à la
fois – en tête de la longue file de voyageurs, à l’arrière avec les
traînards. Il faisait cela avec une bonne humeur inépuisable, disant à tout un
chacun à quoi ça ressemblerait d’être libres sur nos propres terres, à nouveau
en sécurité dans nos foyers.
Jour après jour, il faisait de même. Il amadouait et
réconfortait jusqu’à en avoir
Weitere Kostenlose Bücher