Will
parcouru du regard les rangées de notre volée. « Par
la Croix, ils sont tous ici ! » Il a pointé un doigt sur Iwan.
« Celui-là je l’ai déjà vu. Je le sais.
— Vous vous imaginez des choses, a fait remarquer le
comte. Ces Gallois se ressemblent tous.
— Ne dites rien, nous a conseillé Angharad, surtout à
l’adresse de Bran, mais nous étions tous concernés. Laissez-les penser ce
qu’ils veulent – ce qu’ils disent n’a plus d’importance à présent. Ne nous
abaissons pas à répondre à leurs accusations. »
Bran a donc ignoré les railleries des Ffreincs, qui
continuaient à le montrer du doigt, de même que certains d’entre nous. Avec
Angharad, il a préféré tourner son visage vers la porte cerclée de fer pour
attendre l’arrivée du roi. Le soleil montait lentement dans le ciel, et nous
attendions toujours, prenant peu à peu chaud sous ses brillants rayons
d’automne. Quelques Ffreincs, fatigués d’attendre sur leur selle, ont rengainé
leurs armes et ont mis pied à terre. D’autres ont emmené boire leur monture. La
plupart, cependant, continuaient à nous lancer des regards noirs, sourcils
froncés et jurons plein la bouche. Mais ça s’arrêtait là, aussi l’avons-nous
supporté en silence sans leur donner une raison de s’énerver davantage.
Alors, comme le soleil approchait de son zénith, la porte de
la résidence royale s’est ouverte une fois encore et le représentant du roi est
ressorti avec les deux domestiques. « Écoutez ! Écoutez ! Sa
Majesté William, roi d’Angleterre ! »
De la maison sont sortis le Roi Rouge et cinq membres de sa
suite : un prêtre de haut rang, vêtu de satin pourpre avec une chaîne en
or et une croix autour du cou, le jeune lord Leicester, que nous avions
rencontré à Rouen ; et trois chevaliers équipés de lances. Quant au roi,
ainsi entouré par ses gardes du corps, il me paraissait plus petit que dans mon
souvenir. Sa forme râblée était enveloppée dans une tunique bleue qui boudinait
son estomac gonflé, ses jambes courtes remplissaient allègrement son pantalon
marron foncé et ses grandes bottes d’équitation. Ses cheveux couleur de flamme rougeoyaient
à la lumière du soleil, mais il me semblait fatigué, presque exténué – des
rides de fatigue ornaient ses joues. Il tenait dans sa main un parchemin roulé.
« Lequel est le roi ? Celui en rouge ? »
m’a chuchoté Nóin, et je me suis rendu compte que, comme la plupart des gens,
elle n’avait jamais posé les yeux sur le roi d’Angleterre auparavant. Elle
n’avait aucune idée de ce à quoi William ou tout autre roi pouvaient ressembler
une fois débarrassés de leurs oripeaux royaux.
« Non, le gros avec les cheveux orange, lui ai-je dit.
C’est notre William Rufus. »
L’information a parcouru les rangs, en même temps que
d’autres observations peu amènes. De Braose et ses comparses, cherchant à se
faire bien voir, ont crié des salutations au roi, qui a braqué un œil vitreux
sur eux sans pour autant répondre à leur tentative éhontée de flatterie. Ça a
continué un certain temps, puis William a fait un signe à son domestique, qui a
coupé court à la cacophonie et demandé le silence.
Avec un air un peu absent, le roi a tendu le parchemin
déroulé au prêtre. « Le cardinal Ranulf de Bayeux va lire la proclamation
du jugement royal », a-t-il déclaré. Frère Jago a traduit ses paroles aux
auditeurs gallois.
Le cardinal, connu sous le surnom de « Flambard »,
s’est avancé et, avec une légère révérence, a reçu le rouleau des mains de
William. Sans se presser, il l’a dénoué, l’a déroulé et a commencé à le lire à
voix haute. C’était du latin, bien évidemment, et je n’en comprenais pas un
mot. Par chance, je me tenais assez près de frère Jago pour attraper au vol une
bonne partie de la traduction qu’il en faisait à Bran et à Angharad. Tuck leur
apportait également ses lumières.
« Nous, William, roi d’Angleterre par la grâce de Dieu,
accueillons nos sujets avec tout le respect et l’honneur qu’il convient à leur
rang. Qu’il soit connu qu’en ce jour, le troisième après la Saint-Michel, ce
jugement a été rendu public en présence dudit roi et des personnes convoquées
par la couronne pour y assister. En raison de la nature perfide de certains
nobles connus du roi, et à cause des désunions et des désaccords qui sont
survenus entre d’une part le roi, et d’autre
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