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Will

Will

Titel: Will Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen R. Lawhead
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pauvres gens le supportaient depuis plus d’une année – un
tribut, je suppose, rendu à sir Bran et à son aptitude à préserver une flamme
d’espoir dans leur cœur.
    Je n’arrêtais pas de me demander comment ils pouvaient
garder un tel endroit caché, d’autant que la tête de Rhi Bran était mise à
prix. La récompense initiale proposée par le baron était loin d’être
négligeable, et elle n’avait cessé d’augmenter, régulièrement, à mesure que les
exploits du Roi Corbeau se faisaient plus extravagants, et plus nuisibles aux
intérêts de De Braose. Elle était assez élevée pour que je me demande jusqu’à
quel point la loyauté de ces pauvres hères pouvait s’étirer avant qu’elle ne
casse comme une corde pourrie. Je m’interrogeais aussi sur la longueur que
celle-ci atteindrait avant qu’une des équipes de recherche du shérif ne tombe
sur Cél Craidd.
    Pourtant, tandis que je m’installais parmi mes nouveaux
amis, je me suis vite rendu compte que l’endroit avait été parfaitement
choisi : le trouver aurait nécessité un forestier futé et décidé, rompu
aux Marches, dont le baron ne disposait pas. En outre, les gens travaillaient
dur pour garder leur foyer secret. Leur imagination semblait sans limites pour
ce qui était de brouiller les pistes : ils distillaient des rumeurs
spécialement concoctées pour les oreilles normandes, et envoyaient même des
espions parmi les habitants de l’Elfael et de Château Truan. Ils surveillaient
constamment la Route du Roi et les voies d’accès à la forêt, notant les
mouvements de tous ceux qui allaient et venaient dans les Marches.
    Et traitez-moi de cinglé si vous voulez – mais j’en suis
venu à croire qu’il y avait aussi quelque chose de surnaturel en ces lieux.
Comme dans les vieilles légendes où un voyageur fatigué tombe sur un village
caché parmi les roches sur le littoral. Il soupe là avec les gens du coin, va
se coucher sur un bon lit rembourré de plumes, pour se réveiller le lendemain
matin fourbu, avec du sable dans les yeux et des algues dans les cheveux, et le
village a disparu à jamais… jusqu’à ce qu’il plaise à ses protecteurs de se
montrer au prochain voyageur aux pieds douloureux.
    Je suis parvenu à cette conviction bizarre après plusieurs
rencontres curieuses avec la banfáith Angharad. Ils l’appelaient Hudolion…
     
    « Cela signifie “Enchanteresse”, Odo, merci pour ton
interruption.
    — Ah, c’est comme hud, non ? » Une
lueur de compréhension illumine brièvement ses yeux ternes. « Enchanter.
    — Oui, c’est la même racine. Et ça se prononce hood, alors essaie de l’écrire correctement. »
    Ma jambe me brûle de nouveau aujourd’hui. Elle me fait
atrocement mal, et je ne suis pas d’humeur à supporter les manières agaçantes
d’Odo. Je le regarde pencher le nez sur son petit morceau de parchemin et le
gratter un moment. « Bon, puisque nous parlons de ça, son nom n’est pas
Robin, comme tu sembles le croire. Il s’appelle Rhi Bran – c’est-à-dire Roi
Bran, pour toi.
    —  Rhi est le mot pour roi, oui, vous me
l’avez dit, entonne-t-il avec lassitude. Et Bran – c’est pour Corbeau,
c’est bien ça ?
    — Oui, le mot est le même. Rhi Bran – Roi Corbeau,
tu comprends ? C’est le même. Je vais vraiment finir par te faire parler
comme un Gallois, mon petit Odo. » Je le gratifie d’un rictus de douleur.
« Comme un authentique fils du Pays Noir. »
    Odo fronce les sourcils et trempe sa plume. « Vous me
parliez d’Angharad », dit-il et nous reprenons notre marche sinueuse…
     
    Effectivement. Angharad était d’une sagesse au-delà de
l’entendement. Experte en maints arts – pour certains complètement
oubliés –, elle pouvait lire les signes et les présages et, aussi
facilement qu’un enfant sent la pluie dans le vent, elle pouvait prédire la
nature des événements à venir longtemps avant qu’ils ne soient arrivés.
Vieille ? Elle était antique. Couverte de rides et pliée en deux
par le poids des années, un œil crédule n’y aurait vu qu’une vieille âme
attendant le char d’Élie.
    Mais ses yeux étaient brillants comme des colifichets. Son
esprit était vif et rapide, agité comme une vague sur la grève et aussi
insondable que la mer elle-même. Si elle traînait parfois les pieds dans sa
robe informe, ses pensées bondissaient aussi légèrement que les pattes d’un
cerf. Et pourtant jamais elle ne

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