Will

d’un incident qui, ah…» Il lit son titre provisoire
gribouillé rapidement. «… vous a appris à vous fier à la sagesse d’Angharad.
    — Tu as raison, Odo. J’en étais là. Bon, alors… où en
étais-je ?
    — Les jours devenaient plus sombres et un bel hiver sec
s’installait. »
    Il se remet à écrire, et nous poursuivons…
     
    Un matin, quelques jours avant Noël, j’ai entendu le
croassement d’un corbeau, mais n’y ai pas fait attention avant de voir des gens
se rassembler en hâte sous l’arbre qu’ils appelaient le Chêne du Conseil.
« Will ! Viens avec nous ! m’a crié Iwan. On nous
convoque ! »
    Angharad était là, enveloppée des pieds à la tête dans sa
cape, bien que l’air fût assez doux pour cette époque de l’année. À côté d’elle
se tenait un petit garçon ; je l’avais déjà vu courir ici et là dans les
environs, toujours en mouvement, jamais immobile. Il avait l’air d’un enfant
intelligent, curieux – un des jeunes préférés de Bran.
    « Gwion Bach a des nouvelles de l’Elfael, a-t-elle
annoncé lorsque Bran eut pris sa place. Le comte Falkes attend les réserves que
son oncle, le baron, lui a envoyées pour l’hiver. Les chariots doivent arriver
d’un jour à l’autre.
    — On sait en quoi elles consistent ? a demandé
Bran.
    — Du grain et du vin, des habits, ce genre de choses,
lui a-t-elle répondu tout en jetant un coup d’œil au garçon, qui a légèrement
hoché la tête. Et quelques petites choses pour la nouvelle église de l’abbé.
    — D’un jour à l’autre, a répété Bran d’un air songeur.
Ça ne nous laisse pas beaucoup de temps.
    — Il ne faut donc pas en perdre, a observé l’Hudolion.
    — Alors, hâtons-nous de leur préparer un accueil
chaleureux. » Bran prenait déjà la direction de sa hutte.
« Iwan ! Siarles ! À moi ! » Il a marqué une pause à
mi-chemin, s’est retourné et m’a regardé comme s’il soupesait les risques de
prendre dans la meute un chien n’ayant pas encore fait ses preuves.
    J’ai senti sa réticence et deviné ce qu’il pensait.
« Mon seigneur, je suis prêt à obéir corps et âme à tout ordre que vous me
donnerez. » Désignant le jeune Gwion Bach, qui marchait sur les talons de
son seigneur, j’ai ajouté : « Mais si même les enfants vous secondent
dans cette lutte, alors peut-être ne refuserez-vous pas à un de leurs aînés de
vous prêter main-forte. »
    Il a hoché une fois la tête, se décidant enfin.
« Suis-moi, Will. Joins-toi à nous.
    — Rhi Bran ! » C’était Angharad. « Ce
n’est pas tout – quelque chose d’autre arrive avec les chariots.
    — Quoi donc ?
    — Il va neiger », a-t-elle dit en resserrant un
peu plus sa robe autour d’elle.
    Bran l’a crue sans hésitation, mais moi je n’avais pas
encore appris à me fier inconditionnellement à ses déclarations. Incrédule,
j’ai levé les yeux au ciel. Pas le moindre début de trace de nuage n’était
nulle part visible. Mon expression amusée a dû me trahir, car Bran m’a aussitôt
tancé : « Quoi, Will ? Se pourrait-il que tu doutes de la parole
de notre bonne banfáith ?
    — Bien sûr que non, mon seigneur, ai-je répondu pour
atténuer son accusation. Disons simplement que ce sera la première fois que je
verrai de la neige tomber d’un ciel sans nuage.
    — Humph ! a marmonné Angharad en repartant
clopin-clopant. Ces vieux os savent reconnaître la neige quand ils la
sentent. »
    J’ai suivi Bran jusqu’à sa hutte et ai pris place à côté des
deux autres. Ma présence ne semblait pas mettre Iwan mal à l’aise, mais Siarles
n’avait pas l’air de l’apprécier beaucoup. De toute façon, j’étais là aussi
longtemps qu’il le plairait au roi, aussi n’avait-il rien à y redire. « Il
semble que le baron, dans sa générosité infinie, ait décidé de nous envoyer un
présent pour Noël, a dit Bran. Nous devons nous préparer à le recevoir avec
tous les égards qui lui sont dus. »
    Les deux autres ont souri à cette perspective, et tous trois
ont commencé à orchestrer la meilleure manière d’accueillir les chariots de
provisions quand ils traverseraient la forêt sur le chemin censé les conduire à
Château Truan. J’écoutais leur conversation en gardant mes pensées pour
moi – ne sachant pas encore très bien à quel genre de brigandage j’avais
affaire. De temps à autre, l’expression Roi Corbeau pointait son