Will
baron, répondit le prince avec raideur,
mais ça ne servirait à rien. Il se languit de Mérian.
— Mérian », murmura le baron, comme s’il fouillait
dans sa mémoire à la recherche du visage qui correspondait à ce nom. Oh, mais
il ne s’était pas écoulé un seul jour depuis qu’il l’avait rencontrée sans
qu’il pense à elle en brûlant de désir et de regrets. La si belle Mérian, qu’on
avait soustraite à son emprise. Comme il regrettait d’avoir donné l’ordre qui
avait scellé son destin. Sa tentative aussi maladroite que malavisée de
capturer le renégat gallois Bran ap Brychan avait eu pour résultat de permettre
au jeune trublion de la prendre en otage pour assurer sa fuite du camp du
baron. Neufmarché l’avait perdue, en même temps que toute chance de se faire
aimer d’elle.
Se méprenant sur le silence pensif du baron, le prince
Garran lui dit : « Le roi la croit morte. Et je suppose qu’elle
l’est, sans quoi elle nous aurait contactés depuis longtemps.
— Il n’y a rien eu ? Aucune demande de
rançon ? » Les propres efforts du baron pour la retrouver s’étaient
avérés singulièrement infructueux.
« Pas un mot, confirma Garran. Nous avons toujours
considéré Bran comme un coquin, mais cela n’a aucun sens. S’il voulait
simplement de l’argent, il aurait pu l’avoir depuis longtemps. Mon père aurait
répondu à n’importe quelle demande – cela aussi il le sait. » Le
jeune homme secoua la tête. « Je suppose que mon père a raison ; elle
doit être morte. J’espère simplement que Bran ap Brychan nourrit les asticots
lui aussi. »
Après l’enlèvement de Mérian, le baron était allé informer
la famille de la jeune femme de l’incident. Il en avait rejeté l’entière
responsabilité sur Bran, omettant de mentionner sa propre part, considérable,
dans l’affaire. Tout ce qu’ils savaient se résumait à ce que le baron leur
avait dit d’un ton affligé, à l’époque : qu’un homme, qu’on pensait être
Bran ap Brychan, avait chevauché jusqu’au camp du baron et avait demandé à lui
parler. Neufmarché tenait alors conseil avec deux de ses vassaux anglais. Quand
on avait refusé d’accéder aux exigences du Gallois, il était devenu violent et
avait attaqué les chevaliers du baron, qui l’avaient vaincu. Pour éviter d’être
tué, le lâche rebelle s’était saisi de la jeune femme et l’avait enlevée. Les hommes
du baron s’étaient lancés à sa poursuite ; il y avait eu une rixe, au
cours de laquelle plusieurs chevaliers avaient perdu la vie. Selon toute
probabilité, les fugitifs avaient été blessés dans l’escarmouche, mais nul ne
savait ce qui leur était arrivé ensuite car ils s’étaient enfuis dans les
collines en emmenant lady Mérian.
« Sa perte a brisé le cœur de mon père malade, conclut
Garran sombrement. Je crois qu’il ne passera pas l’hiver.
— Dans ce cas, dit le baron d’une voix vibrante de
compassion, je suggère que nous préparions sans tarder votre couronnement.
Pensez-vous que quiconque s’opposera à ce que vous succédiez à votre père sur
le trône ? »
Garran secoua la tête. « Il n’y a personne d’autre.
— Bien, répondit Neufmarché avec satisfaction. Nous devons
dès à présent envisager l’avenir de l’Eiwas et de ses gens. »
CHAPITRE 14
Odo veut savoir pourquoi je n’ai jamais mentionné Nóin
auparavant. « Certaines choses sont sacrées, lui dis-je. Quelle sorte de
prêtre es-tu pour ne pas le savoir ?
— Sacrées ? » Il cligne des yeux comme une
taupe qui vient de sortir de terre et se retrouve éblouie par la lumière du
jour. « Un souvenir sacré ?
— Nóin est plus qu’un souvenir, moine. Elle fait partie
de moi pour toujours.
— Elle est morte, alors ?
— Je ne vais certainement pas le dire aux gens de ton
espèce. » Il m’a mis en rogne et il le sait. Nóin n’est peut-être plus
qu’un souvenir, mais elle reste une perle magnifique que je ne vais pas jeter à
n’importe quel cochon ffreinc.
Odo fait la moue.
« Je ne voulais pas vous manquer de respect, dit-il en
se frottant la tonsure. Ni à vous, ni à la dame. Je voulais juste savoir.
— Pour que tu puisses partir en courant le raconter à
ce fichu abbé ? » Je secoue la tête. « Je vais peut-être nourrir
les corbeaux demain, mais ne me prends pas pour un âne aujourd’hui. »
Mon scribe ne comprend pas ma remarque, et tout en le
regardant
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