Will
me frotter le dos avec ses mains pour me réchauffer. « Là, vous allez
bientôt vous sentir mieux.
— Merci beaucoup. » Je tendais le cou pour mieux
la voir. C’était la femme qui était arrivée à Cél Craidd après avoir été sauvée
des Ffreincs. Il se trouve que j’avais aidé à construire une cabane pour elle
et sa petite fille. « Nóinina, c’est ça ? lui ai-je demandé, bien que
sachant parfaitement que c’était le cas.
— Oui, c’est moi. » Elle m’a gratifié d’un beau
sourire et je me suis rendu compte qu’elle était ravissante. Ça aurait pu être
les flammes après une journée entière passée dans le froid, ou tout autre
chose, mais j’ai senti une bouffée de chaleur m’envahir à ce moment-là.
« Vous vous appelez Will.
— Si fait. »
Elle s’est rapprochée de moi, toisant l’homme assis devant
elle avec sa coupe sur ses genoux. « J’ai participé à la construction de
votre hutte, lui ai-je dit.
— Je sais. » Elle a souri de plus belle puis s’en
est allée. « Et pour vous remercier, je vais vous donner un gâteau
d’orge. »
Elle est revenue quelques instants plus tard avec une cruche
d’ale chaude et un gâteau tout juste retiré de la pierre chauffante.
« Avalez ça, ça devrait vous réchauffer.
— Je me sens déjà mieux. Beaucoup mieux. »
La pause a été de courte durée. Dès que nous eûmes tous
mangé un morceau et vidé nos coupes, Iwan a éteint le feu et nous sommes
repartis. Oh, mais ça n’a pas été une partie de plaisir de revenir au village
dans cette tempête de neige. Chacun essayait autant que possible de marcher
dans les pas de celui qui le précédait pour ne pas trop chambouler la neige,
mais c’était sacrément fastidieux. Nous étions totalement épuisés quand nous
avons atteint Cél Craidd en pleine nuit. Malgré l’heure tardive, nos compagnons
avaient fait un grand feu brillant et nous attendaient avec de la nourriture et
des boissons chaudes. Une grande acclamation nous a accueillis quand nous nous
sommes extirpés de la haie pour descendre le talus en glissant.
Oubliant bien vite nos épreuves, nous nous sommes tous
rassemblés autour du feu pour célébrer notre victoire. Il y avait encore une ou
deux choses à faire – les chariots et les bœufs avaient été attachés pour
la nuit, mais les premiers devraient être déchargés et les animaux exigeraient
notre attention avant l’aube. Cela dit les tâches du lendemain pouvaient quand
même attendre ; cette nuit, nous allions pouvoir faire la fête.
L’humeur était au beau fixe. Nous avions combattu les
Ffreincs et leur avions porté un coup qu’ils n’oublieraient pas de sitôt. Dès
que nous avons pris place devant le feu, on nous a collé des coupes dans les
mains et de la viande a été mise à rôtir sur des broches. Nous avons porté la
première de nombreuses brindes à notre santé à tous, ce qui m’a donné
l’occasion de découvrir que la jeune veuve se tenait à mes côtés.
« Rebonjour, Nóinina. » Ma langue à moitié saxonne
essayait d’imiter gauchement ses propres inflexions. « La nuit finit bien,
malgré toute cette neige.
— Appelle-moi Nóin, et je t’en prie,
tutoyons-nous. » Désignant ma coupe d’un signe de tête, elle a
ajouté : « Ta jarre est assez grande pour deux ?
— Juste assez », ai-je répondu avant de la lui
passer.
Elle l’a portée à ses lèvres et a bu à longs traits,
s’essuyant la bouche du dos de la main en me la rendant. « Ah, exactement
comme je l’aime – vigoureuse et forte, avec une bonne mousse généreuse en
guise de barbe. » Elle s’est glissée plus près, et ses lèvres se sont
courbées avec malice quand elle a ajouté : « Ton portrait tout
craché. »
Oh, mes aïeux ! Cela faisait fort longtemps qu’une femme
ne m’avait pas parlé avec autant d’invitation dans la voix. Mon cœur a manqué
bondir de ma gorge, et j’ai dû la regarder une deuxième fois pour m’assurer que
c’était bien du vieux Will Écarlate qu’elle parlait. Tout sourire, elle m’a
fait un clin d’œil, et j’ai compris que ma bonne fortune s’était réveillée
au-delà de toute attente. « Ne bouge pas, m’a-t-elle dit avant de
s’esquiver.
— Je te réserve une place juste là. »
Elle est revenue avec une autre jarre et deux brochettes de
viande à rôtir sur le feu. Nous nous sommes installés contre une souche pour
partager une coupe et regarder
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