Will
la neige s’amonceler sur le sol tandis que la
viande cuisait. Par la barbe de saint Pierre, la chaleur des flammes sur mon
visage n’était rien comparée à celle de cette belle jeune femme à côté de moi.
Un bonheur inattendu me rattrapait, et mon cœur prenait son envol à travers le
ciel d’hiver parsemé d’étoiles.
J’étais sur le point de lui demander comment elle s’était
retrouvée dans la forêt quand Bran a levé sa coupe et a demandé le silence
autour du feu. « Santé au Roi Corbeau et à son puissant Grellon, qui cette
nuit ont cueilli une plume de la queue de cette grosse oie de De Braose !
— Au Roi Corbeau et au Grellon ! » Nous avons
tous brandi nos coupes. « À leur victoire ! »
Une fois nos coupes remplies, Bran a aussitôt
enchaîné : « Et santé aux hommes dont la bravoure et la hardiesse
font grincer de rage les dents du shérif et de ses hommes ce soir ! »
Nous l’avons acclamé et bu en conséquence, avalant une bonne
goulée à la pensée joyeuse des torgnoles que nous avions infligées au shérif et
au comte.
« Écoutez-moi ! a repris Bran. Cette brinde est en
l’honneur de notre cher Will Écarlate qui, au mépris du danger, a tiré un
pauvre homme des griffes du shérif. Grâce à Will, la famille de cet homme
mangera ce soir avec lui. » Levant sa coupe, il a crié : « À
Will, un homme selon le cœur du Roi Corbeau ! »
Le cri est monté : « À Will ! » Et
chacun a levé sa coupe dans ma direction. Ah, ce n’était pas rien d’être
acclamé de la sorte. Et histoire de rendre ce moment plus mémorable encore,
alors même que le roi et tous ses gens buvaient à ma santé, j’ai senti Nóin
glisser sa main dans la mienne et la serrer – presque imperceptiblement,
remarquez, mais un picotement m’a envahi jusqu’à l’extrémité des orteils.
CHAPITRE 13
Eiwas
Le voyage jusqu’au pays de Galles paraissait toujours sans
fin. Bernard de Neufmarché, baron d’Hereford et de Gloucester, avait toujours
l’impression d’avoir traversé la moitié du monde lorsqu’il atteignait les
terres de son vassal, lord Cadwgan, pourtant situées dans le cantref gallois de
l’Eiwas, à quelques jours à peine de son château au cœur de l’Angleterre. Le
paysage était sinistre, étrangement rébarbatif avec ses donjons en bois sombre,
ses étangs dissimulés et ses fleuves solitaires. Le baron trouvait les collines
rapprochées et les vallées cachées du pays de Galles mystérieuses, et
passablement inhospitalières – et plus encore en hiver.
Ce n’était pas seulement le paysage qu’il trouvait menaçant.
Depuis la défaite du roi Rhys ap Tewdwr, chef bien-aimé de la résistance
galloise au sud, les territoires au-delà des Marches lui étaient devenus
nettement inamicaux. D’anciens alliés étaient à présent hostiles, d’anciens
ennemis des opposants implacables. Qu’il en soit ainsi. Si c’était le prix pour
faire progresser sa cause, Neufmarché était disposé à le payer. À présent,
cependant, le baron faisait des tournées moins régulièrement. Si, à une époque,
il appréciait les chevauchées paisibles qui le conduisaient jusque chez ses
vassaux, ces derniers temps il ne chaussait jamais ses étriers dans la région
sans être accompagné par des gardes du corps, chevaliers et autres hommes
d’armes.
De fait, il était présentement entouré d’une force
lourdement armée. Non pas qu’il s’attendît à ce que Cadwgan lui causât des
ennuis – en dépit de leurs différences, tous deux s’étaient toujours assez
bien entendus –, mais certains rapports faisaient état de rebelles errants
qui provoquaient des troubles, aussi valait-il mieux agir avec prudence.
« Evreux ! s’écria le baron comme ils arrivaient
en vue de Caer Rhodl, perché au sommet d’un rocher escarpé. Faites stopper les
hommes là-bas. » Il désigna un affleurement rocheux à proximité de la
piste, non loin de la palissade en bois de la forteresse de Cadwgan.
« Vous et moi allons nous y rendre tous les deux. »
Le marshal transmit l’ordre du baron aux troupes. Une fois
arrivés à l’endroit indiqué, les soldats mirent pied à terre. Le baron
poursuivit jusqu’à la porte de la forteresse – où, comme il s’y attendait,
on le fit entrer promptement.
« Mon seigneur va être informé de votre arrivée, dit
l’intendant. Attendez dans la grande salle, s’il vous plaît.
— Mais bien sûr. Mes
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