Will
salutations à votre
seigneur. »
La maison du roi gallois n’était pas grande et Neufmarché
était déjà venu à plusieurs reprises ; il se rendit à la grande salle où
on le fit attendre avec son marshal plus longtemps que ne l’exigeait
l’hospitalité. « Il vous insulte, fit remarquer Evreux. Voulez-vous que
j’aille trouver ce vieil imbécile et le tirer jusqu’ici par le nez ?
— Nous sommes venus sans nous annoncer, répondit
calmement le baron, bien qu’il ressentît lui aussi l’affront. Nous
attendrons. »
Ils restèrent dans la grande salle, seuls, leur frustration
montant par vagues, jusqu’à ce que des pas traînants se fassent entendre à la
porte. Il fallut un moment au baron pour se rendre compte que lord Cadwgan
avait bel et bien fait son apparition. Décharné, les joues creuses, une ombre
affreuse lui barrait le visage ; sa silhouette autrefois robuste flottait
dans ses vêtements comme sur un râtelier. Sa peau avait une pâleur maladive qui
révéla au baron que son vassal ne s’était pas aventuré dehors depuis des
semaines, peut-être même des mois.
« Mon seigneur, dit Cadwgan, de la voix douce, sans
énergie d’un malade. Comme c’est gentil à vous d’être venu. »
Ses manières suggéraient qu’il imaginait que c’était lui qui
avait convoqué le baron. Neufmarché passa outre sa remarque inconvenante, de
même qu’il ignora l’apparence négligée de Cadwgan. « Quelle belle
journée ! déclara-t-il d’une voix un peu forcée. J’ai pensé que nous
pourrions faire le tour de vos terres.
— Bien sûr, convint Cadwgan. Une fois que nous aurons
pris quelques rafraîchissements, mon fils pourra peut-être vous accompagner.
— J’espérais que vous viendriez avec moi. Voilà fort
longtemps que nous n’avons pas chevauché ensemble.
— Je crains de ne pas être la meilleure des compagnies,
dit Cadwgan. Je vais demander à Garran de seller un cheval. »
Peu disposé à insister, le baron dit : « Comment
se porte votre épouse ? » Comme le roi semblait ne pas comprendre ses
paroles, il ajouta : « La reine Anora va-t-elle bien ?
— Oui, oui, assez bien. » Cadwgan parcourut la
pièce vide du regard, comme s’il s’attendait à la trouver assise dans un coin.
« Dois-je envoyer quelqu’un la chercher ?
— Cela peut attendre. Nul besoin de la déranger pour
l’instant.
— Bien sûr, sire. » Le roi gallois se tut, regarda
le baron puis Evreux, et dit enfin : « Y avait-il autre chose ?
— Vous vous apprêtiez à convoquer votre fils, je crois.
— Vraiment ? Très bien, si vous souhaitez le
voir. »
Sans un mot de plus, le roi se retourna et s’éloigna à pas
feutrés.
« Cet homme est malade, fit remarquer le marshal.
Malade ou sénile.
— Manifestement, répondit le baron. Mais il s’est
montré un allié utile, et nous le traiterons avec respect.
— À votre convenance. Quand bien même, réfléchir à sa
succession ne me semble pas malvenu. Son fils vous est-il loyal ?
— Suffisamment. C’est un roseau jeune et souple, et
nous pourrons le plier à nos projets. »
Quelques instants plus tard, ils furent rejoints par le
jeune prince en question qui, d’un acquiescement glacial, accepta d’accompagner
le baron sur les terres de l’Eiwas. Une fois à cheval, le baron lui parla cordialement
de choses et d’autres, ne recevant en retour que le minimum de courtoisie
requis. Lorsqu’ils atteignirent un ruisseau en bas de la vallée, le baron
s’arrêta brusquement. « Vous savez, nous n’avons nul besoin d’être
ennemis, dit-il. Si j’en crois ce que j’ai vu aujourd’hui, vous risquez de
bientôt devenir mon vassal. Faisons en sorte de sceller notre amitié dès à
présent. »
Garran fit pivoter son cheval et retraversa le ruisseau.
« Que voulez-vous de moi, Neufmarché ? Avoir nos terres ne vous
suffit-il pas ? Devez-vous posséder nos âmes également ?
— Surveillez votre langue, mon seigneur, gronda Evreux.
Il messied à un futur roi de parler à son suzerain d’une manière si
grossière. »
Le prince ouvrit la bouche comme pour récuser cette
remarque, mais y réfléchit à deux fois et se contenta de foudroyer le marshal
du regard.
« Votre père est malade, dit simplement le baron.
Avez-vous fait venir un médecin ? »
Garran regarda au loin, les sourcils froncés. « Si
fait.
— Je vous enverrai le mien, proposa Neufmarché.
— Merci à vous,
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