Will
resta sur sa selle, emmitouflé dans
sa cape d’équitation et ses gants de cuir, les yeux fixés sur la muraille
boisée qui s’élevait sur la crête devant lui. Coed Cadw, ainsi que les gens du
pays l’appelaient ; le nom signifiait « Forêt Gardienne » ou
« Forêt Protectrice », quelque chose comme ça – il ne l’avait
jamais su avec certitude. Quel que fût leur nom, ces bois formaient une
forteresse, un bastion aussi imposant et impénétrable que s’il avait été fait
de pierre. Peut-être Antoine voyait-il juste. Peut-être le Roi Corbeau
s’était-il envolé ailleurs, en quête de meilleures récoltes.
Quand les chevaux eurent fini de boire et que ses soldats se
furent remis en selle, le shérif tira sur ses rênes et pressa sa monture de
traverser le gué. Quelques instants plus tard, les cinq cavaliers se
retrouvèrent sous les branches nues couvertes de neige des ormes qui bordaient
la route, pénétrant dans la forêt comme par la voûte d’un porche.
Le silence de la forêt enneigée s’abattit sur eux, et la
lumière hivernale commença à faiblir. Tandis que le shérif progressait le long
de la piste ombragée, ses sens s’avivèrent, à l’affût d’une présence
invisible ; sa vue devint perçante, son ouïe s’aiguisa. Il pouvait sentir
une légère bouffée rance qui lui indiquait qu’un cerf était passé là quelques
instants plus tôt, ou se cachait quelque part à proximité.
Au bout d’un long moment, ils tombèrent sur une étroite
piste de gibier qui croisait la leur. Le shérif stoppa sa monture. Il resta un
moment immobile, à observer les deux voies. Les pistes de sangliers et de cerfs
s’entrelaçaient dans la neige, croisant ici et là celle d’un loup – et
toutes étaient vieilles. Au moment même où il s’apprêtait à repartir, son œil
surprit la trace qui l’avait sans doute poussé à s’arrêter en premier
lieu : les doubles empreintes de sabot caractéristiques d’un cerf et,
juste derrière, un léger creux en demi-lune. Sans un mot, il descendit de sa
selle et s’agenouilla pour en avoir une meilleure vision. Les traces en
demi-lune se mêlaient à d’autres, beaucoup plus humaines.
« Vous avez trouvé quelque chose, sire ? s’enquit
l’intendant Antoine au bout d’un moment.
— Il semble que notre chevauchée d’aujourd’hui soit
finalement récompensée.
— Un cerf ?
— Un braconnier. »
Antoine leva les yeux et scruta le tunnel formé par les
branches en surplomb. « Mieux encore. »
Le shérif remonta en selle et, avec un geste pour faire
taire les soldats, s’engagea sur la voie étroite et entreprit de pourchasser sa
proie. La piste menait en haut d’une petite pente, puis descendait dans un
vallon au fond duquel coulait un ruisselet entouré de rochers. Il découvrit
dans la boue meuble une demi-douzaine de creux – y compris la marque d’un
genou là où un homme s’était accroupi pour boire.
De Glanville leva un gant pour stopper ses suiveurs. Il
devina un faible miroitement humide là où l’eau avait éclaboussé un rocher.
« Il est passé ici récemment. » Se tournant sur sa selle, il désigna
deux de ses hommes. « Restez ici dans le cas où il reviendrait sur ses
pas, avant que nous l’attrapions. »
Il tira sur les rênes et talonna sa monture pour la faire
traverser le ruisseau. Une fois sur la rive opposée, il pénétra dans le bosquet
de sureau qui formait une haie grossière le long du lit de la rivière. Ensuite,
la piste s’agrandissait légèrement, laissant le soleil pénétrer dans l’embrouillamini
végétal au-dessus de sa tête. Une faible lumière hivernale tombait en puits
inclinés à travers les branches nues. Quelques centaines de pas plus loin, le
shérif découvrit que la piste donnait sur une clairière couverte de neige. Il
stoppa sa monture et, désignant la trouée devant lui, fit signe à ses hommes de
mettre pied à terre pour se disperser alentour. Lorsqu’ils furent hors de vue,
sir Richard continua seul, ne s’arrêtant qu’une fois dans la clairière. Là, au
beau milieu de l’espace enneigé, agenouillé près du splendide cerf à la robe de
feu qu’il venait d’abattre, se trouvait un Gallois au teint basané, couteau à
la main, sur le point d’entreprendre le découpage de sa victime. D’un coup
d’œil, le shérif vit le chasseur accroupi, son couteau et son arc long appuyé
contre le tronc d’un bouleau mort à quelques pas de
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