Will
nouveau terre. Le pauvre malheureux s’effondra sur ses genoux et
arracha la bande de cuir serrée autour de son cou, reprenant son souffle avec
force grognements.
Quand le visage du Gallois eut repris des couleurs, le
shérif dit : « Informez le prisonnier que je lui donne une chance de
rester en vie. »
Antoine, qui se tenait au-dessus de l’homme hors d’haleine,
traduisit les paroles du shérif. L’homme leva sur lui des yeux pleins d’espoir
et empoigna sa jambe comme l’aurait fait un mendiant implorant un potentiel
bienfaiteur.
« Dites-lui, poursuivit de Glanville, que je le laisse
partir pour peu qu’il me dise où on peut trouver le Roi Corbeau. »
L’intendant transmit la proposition, après quoi le Gallois
se fut relevé. Avec lenteur, choisissant soigneusement ses mots, conscient des
conséquences funestes de sa réponse, le chasseur joignit ses mains pour
supplier le shérif et se lança dans un discours passionné.
« Qu’a-t-il dit ? s’enquit le shérif quand le
chasseur eut fini.
— Je n’en suis pas certain, commença l’intendant, mais
il semble que ce soit un pauvre homme avec des enfants affamés – il en
aurait cinq. Sa femme est morte – non, malade, elle est malade. Il dit que
ses bêtes ont été tuées par les soldats du marshal. Ils n’ont plus rien.
— Ce n’est pas une excuse, répondit de Glanville. Le
sait-il ? Demandez-lui. »
L’intendant s’exécuta, et le Gallois répliqua avec force
supplication.
« Il dit qu’ils meurent de faim, expliqua Antoine. La
perte de son bétail l’a poussé à chasser des cerfs. Ce qu’il déplore, euh, non,
regrette, mais auparavant, chaque fois que la faim le poussait en forêt, il
pouvait prendre un cerf avec la bénédiction de son seigneur. »
Le shérif réfléchit quelques instants, puis : « La
loi est la loi. Et le Roi Corbeau ? Faites-lui comprendre qu’il peut
repartir libre, et avec le cerf en prime, s’il me dit où trouver ce rebelle et
voleur. »
Cela fut répété au prisonnier, qui répondit de la même voix
passionnée. L’intendant l’écouta, puis traduisit : « Le braconnier
dit que si c’est un crime d’avoir faim, c’est bien un coupable qui se tient
debout devant vous. Mais que s’il existe une chose telle que la clémence sur
cette terre, alors il vous supplie devant Dieu de le laisser partir au nom de
cette même clémence. Il en appelle au Christ de témoigner en sa faveur, car il
ne sait pas où le Roi Corbeau peut se trouver. »
Le shérif l’écoutait, impressionné comme il l’était parfois
par la facilité qu’avaient les Gallois à s’exprimer. Si la parole pouvait les
sauver, ils n’avaient rien à craindre. Hélas, les mots étaient des choses par
trop vides, dépourvues de pouvoir, et par trop faciles à briser, à faire
disparaître. « Je vais le demander une dernière fois. Dites-moi ce que je
veux savoir. »
Quand les paroles furent traduites, le captif breton se
redressa de toute sa hauteur et lui donna sa réponse :
« Relâchez-moi, pour l’amour du Christ devant lequel nous nous tiendrons
tous un jour. Mais sachez cela, si jamais je connaissais les artifices et les
méthodes de la créature que vous appelez le Roi Corbeau, je ne gaspillerais pas
ma salive pour vous le dire.
— Alors inutile de la gaspiller, répondit le shérif
quand sa réponse lui fut transmise. Pendez-le ! »
Les trois chevaliers entreprirent de tirer à nouveau sur la
corde. Les pieds du Gallois lancèrent bientôt des coups de pied dans le vide,
tandis qu’il essayait de labourer le nœud coulant avec ses mains. Ses cris
étranglés prirent rapidement fin. Son visage, à présent violacé et gonflé,
exhibait toute la haine du mourant envers le shérif et chaque envahisseur
ffreinc.
Au bout de quelques instants, la victime cessa de lutter et
ses mains retombèrent mollement le long de son corps, d’abord une, puis
l’autre. Appuyé sur le pommeau de sa selle, le shérif regarda le corps du
braconnier se balancer doucement de droite à gauche. L’intendant lui dit :
« Il est mort, sire. Que voulez-vous que nous fassions du corps ?
— Laissez-le au bout de sa corde. Ça servira
d’avertissement à ses semblables. »
Sur ce, il fit pivoter sa monture et sortit de la clairière,
assez satisfait de sa journée. Bien sûr, il n’avait pas avancé d’un pouce dans
sa quête du Roi Corbeau, mais la pendaison d’un braconnier était toujours
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