Will

Nóin s’est fané ; elle s’est renfrognée.
« Bien, qu’est-ce que c’est, Will ? Parle. »
    J’ai baissé la tête. « Je dois de nouveau partir.
    — C’est tout ? » Elle criait presque de
soulagement. « Sainte Vierge, j’avais peur que ce soit grave.
    — J’ai cru que tu serais fâchée.
    — Oh, mais je le suis, m’a-t-elle répondu, les poings
serrés contre ses hanches. Mais je le serais plus encore si tu avais changé
d’avis à propos du mariage.
    — Mais je veux me marier avec toi, Nóin.
Vraiment.
    — Alors tout va bien. » Elle s’est retournée comme
pour s’en aller, mais a marqué une pause. « Quand pars-tu ?
    — Dès que tout sera prêt.
    — Alors vas-y, et aide-les à mener leur mission à bien.
Nous nous débrouillerons du mieux que nous le pourrons pendant ton absence,
dit-elle en me caressant le visage, et compterons les jours jusqu’à ce que tu
reviennes.
    — Je ramènerai notre bon frère Tuck, dussé-je le porter
sur mon dos, et je t’épouserai le jour de mon retour. » Voilà ce que je
lui ai dit, en lui embrassant la paume des mains. Nous avons parlé de notre
mariage, des plans de la maison que j’allais lui construire en revenant –
avec un grand lit, une table et deux chaises.
    Et voilà, nous étions cinq à partir le lendemain
matin : frère Tuck et moi-même ; Bran, bien sûr ; Iwan, parce
que nous allions sûrement avoir besoin d’une autre paire de mains et d’yeux sur
la route ; Mérian, parce qu’elle était à l’origine du plan et qu’elle ne
resterait de toute façon pas en arrière.
    Cependant, ce dernier point n’était pas sans poser quelques
difficultés, et bien que répugnant à le faire, il m’incombait de les signaler.
« Pardonnez-moi, mon seigneur, si j’outrepasse ma position, ai-je commencé,
mais est-il sage pour une otage – mille pardons, ma dame – de… eh
bien, d’être autorisée à prendre part à une affaire aussi délicate ?
    — Vous doutez de ma loyauté ? m’a défié Mérian,
ses yeux sombres enflammés d’une prompte colère. Je croyais mieux vous
connaître, William Scatlocke.
    — De tout mon cœur, je demande votre pardon, ma dame,
ai-je dit en levant les mains comme pour repousser une volée de coups de poing.
Tout ce que je voulais dire…
    — C’est la paille et la poutre ! a-t-elle fulminé.
Elle est bien bonne, celle-là, mon ami ! »
    Siarles a souri de me voir pris à mon propre piège. Mais
Bran s’est mis de la partie. « Mérian, du calme. Will a raison.
    — Raison ! C’est un imbécile, et toi aussi si tu
crois un seul instant que je pourrais vous mettre en danger…
    — Du calme, femme ! a crié Bran, rejetant son
objection. Si tu écoutais une seconde, tu verrais que Will a soulevé un point
important.
    — Non, a-t-elle grimacé. C’est stupide et
insultant – et je ne saurais dire ce qui est le pire.
    — Ni l’un ni l’autre. » Bran a secoué la tête.
« Il appuie juste là où ça fait mal. Le temps est venu pour toi de te
décider, belle Mérian.
    — Décider quoi ?
    — Es-tu notre otage, ou bien l’un d’entre
nous ? »
    Elle a froncé les sourcils. « Dis-le-moi, Bran ap
Brychan. Que suis-je à tes yeux ?
    — Tu le sais parfaitement. Je ferais de toi ma reine si
tu le voulais bien. »
    Le pli entre ses sourcils s’est accentué. Sa robe était
prise dans les épines cette fois, pas d’erreur, et elle le savait. « Non
mais dis donc ! Ne compte pas me mettre ça sur le dos.
    — Tu pourras dire tout ce que tu voudras, ma dame. On
en reviendra toujours au même point – soit tu es avec nous, tu nous
rejoins corps et âme, ou bien…
    — Ou bien ? a-t-elle répliqué, hautaine dans son
indignation. Que feras-tu ?
    — Ou tu devras rester ici comme un bon petit otage
pendant que nous mettrons ton plan à l’œuvre.
    — Certainement pas.
    — Alors ? »
    Ceux d’entre nous qui se trouvaient à côté ont commencé à
regarder ailleurs, histoire d’éviter d’être impliqués dans un nouvel épisode
d’une longue bataille royale de caractère et de volonté.
    Mérian a foudroyé Bran du regard. Elle n’aimait pas qu’on
mette sa loyauté en doute, mais elle comprenait enfin le problème.
    « Que décides-tu ? a insisté Bran. Nous attendons.
    — Oh, très bien ! » Furieuse, elle
capitulait. « Je renonce à ma captivité et vous jure fidélité, Bran ap
Brychan – mais je ne me marierai pas