Will
avec toi. » Puis elle nous a
tous gratifiés d’un sourire doux-amer. « Voilà ! Vous êtes tous
contents à présent ?
— J’accepte ton allégeance, et te libère de ta
captivité.
— Alors je peux partir avec vous ? a demandé
Mérian, juste pour s’en assurer.
— Ma dame, vous êtes une femme libre », lui a
assuré Bran avec douceur, et je pouvais voir combien ces mots lui coûtaient.
« Tu peux venir avec nous, ou simplement t’en aller. Si tu décides de
rester, tu seras en danger – mais tu le sais déjà.
— Je n’ai pas peur. C’est mon plan, rappelle-toi, et je
ne vais pas laisser des balourds de votre espèce me le chambouler. »
Mérian n’en avait pas encore fini, car tandis que nous nous
rassemblions pour partir, elle s’est approchée d’une nommée Cinnia, une belle
jeune femme aux yeux sombres de quelques années son aînée, la favorite de
Mérian parmi les habitants de la forêt – une autre de ces jeunes veuves
normandes comme il y en avait tant. Ma dame a demandé à Cinnia de se joindre à
nous. Elle ferait office d’accompagnatrice pour Mérian, qui nous a
expliqué : « Une femme de haut rang ne voyage jamais seule en
compagnie masculine. Les Ffreincs le savent. Cinnia sera ma servante. »
Nous avons chargé nos provisions et nos armes – arcs
longs et faisceaux de flèches enroulés dans des peaux de cerf – sur deux
chevaux de somme. Une fois prêts, Tuck a dit une prière pour le succès de notre
voyage, sans avoir la moindre idée de ce pour quoi il priait. Ainsi bénis, nous
avons pris notre congé. Angharad n’était pas encore rentrée, aussi Tomas et
Rhoddi ont été chargés de surveiller Cél Craidd et l’Elfael en l’absence de
Bran, et de nous prévenir si d’aventure le shérif tramait quoi que ce soit de
désagréable.
Ainsi, par une magnifique journée d’hiver, nous sommes
partis affronter le lion dans sa tanière.
« Qu’est-ce qu’il y a, Odo ? Je ne t’ai pas dit ce
que nous avions projeté de faire ? » Mon scribe aux yeux chassieux
estime que je suis passé un peu vite sur ce détail important. « Chaque
chose en son temps, lui dis-je. La patience est aussi une vertu, moine
impétueux. Tu devrais essayer. »
Il gémit, soupire, roule des yeux et trempe sa plume ;
et nous continuons…
CHAPITRE 25
Coed Cadw
Richard de Glanville regardait la forêt qui s’élevait devant
lui tel le rempart d’une vaste forteresse verte, ses couleurs atténuées par la
lumière d’hiver blafarde. Juste devant lui passait le cours d’eau qui
s’écoulait en contrebas de la vallée au pied de la pente menant à la forêt. Il
leva la main pour faire venir l’homme qui chevauchait juste derrière lui.
« Arrêtons-nous pour faire boire les chevaux, intendant. Dites aux hommes
de rester en alerte.
— Bien sûr », répondit l’intendant d’une voix qui
suggérait qu’il avait entendu l’ordre mille fois et n’avait pas besoin qu’on le
lui répète.
Le ton irrité de l’homme piqua l’intérêt de son supérieur.
« Dites-moi, Antoine, croyez-vous que nous attraperons le fantôme
aujourd’hui ?
— Non, shérif. Je ne crois pas.
— Alors pourquoi nous avez-vous accompagnés ?
— Je suis venu parce qu’on me l’a ordonné, mon
seigneur.
— Mais bien sûr. Quand bien même, vous pensez que c’est
inutile. Ai-je tort ?
— Je n’ai pas dit ça. » Ayant l’habitude des
humeurs sombres et imprévisibles du shérif, il le prenait avec des pincettes.
« Je dis simplement que la forêt des Marches est vaste. Je m’attends à ce
que le fantôme soit parti. »
Le shérif considéra sa remarque. « Il n’y a aucun
fantôme, intendant. Juste une poignée diabolique de rebelles gallois.
— Même si c’est le cas, répondit platement Antoine, je
ne doute pas que votre persévérance et votre vigilance les aura chassés. »
De Glanville considéra son intendant avec un dédain
bienveillant. « Comme toujours, Antoine, votre perspicacité est sans prix.
— Le Roi Corbeau se fera prendre un de ces jours, si
Dieu le veut.
— Mais pas aujourd’hui – est-ce bien ce que vous
pensez ?
— Non, shérif, pas aujourd’hui, admit le soldat. Enfin,
ça reste une bonne journée pour une chevauchée en forêt.
— Pour sûr. » Le shérif fit halte devant le
passage à gué. L’eau était basse, et la glace recouvrait les pierres et les
berges du ruisseau paresseux. Sir Richard
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