Will
désapprobation, le shérif se raidit.
« J’ai fait ce que j’ai estimé nécessaire en ces circonstances. En fait,
si je n’avais pas prévu les chariots, nous n’aurions pas eu la moindre chance
d’attraper le Roi Corbeau.
— Vous persistez à affirmer que c’était le fantôme.
— Ce n’est pas un fantôme. Il est de chair et de sang,
quoi qu’il puisse être d’autre. Dès qu’il apprendra que nous avons pendu trois
de ses compatriotes, il ne demandera qu’à restituer le trésor du baron.
— Trois ? s’étonna le comte. Avez-vous bien dit
trois ? Je pensais que nous étions convenus de n’en exécuter qu’un chaque
jour.
— Oui, eh bien, répondit de Glanville avec un petit
mouvement hautain de la tête, j’ai estimé préférable de commencer avec trois ce
soir – ça leur fera comprendre l’urgence de la situation.
— Non, mais dites donc ! Je dois gouverner ces
gens. C’est déjà assez difficile comme ça sans que vous…
— Moi ! Nous ne serions pas dans ce bourbier si
vous aviez…
— Du calme. Il y a assez de reproches pour contenter
chacun », les interrompit l’abbé. La cruche de vin à la main, il remplit
les deux coupes. « Pour ma part, je trouve cette continuelle acrimonie
aussi ennuyeuse que vaine. » Se tournant vers Falkes, il ajouta :
« Le shérif de Glanville a la responsabilité de maîtriser les hors-la-loi
de la forêt. Pourquoi ne pas se fier à lui pour obtenir le retour de nos
biens ? »
Le comte finit son vin d’une gorgée et prit congé. « Je
dois aller m’occuper de mes hommes.
— Bonne idée, comte », dit l’abbé Hugo. Puis, se
tournant vers le shérif : « Vous devez avoir vous aussi beaucoup à
faire. Je ne voudrais pas vous retenir trop longtemps. »
À l’extérieur, Gulbert, le geôlier, avait rassemblé les
prisonniers dans la cour – soixante hommes et garçons en tout – au
pied du gibet. Ils étaient enchaînés ensemble debout dans le froid, la plupart
sans cape ni même chaussures, tête baissée – certains pour prier, d’autres
de désespoir. Le marshal Guy de Gysburne, à la tête de sa compagnie de soldats,
établit un cordon de sécurité autour du groupe de misérables pour éviter qu’ils
s’enfuient – comme si c’était possible –, mais aussi pour empêcher
les habitants de la ville de se mêler à la cérémonie d’une manière ou d’une
autre. Des épouses et des mères des Cymry étaient venues supplier qu’on libère
les captifs, et le shérif de Glanville avait donné des ordres pour que personne
n’échange un seul mot avec les prisonniers. Guy, qui souffrait d’un méchant mal
de tête, ne voulait aucun problème cette nuit.
Jusqu’au dernier, les chevaliers ffreincs étaient casqués et
revêtus d’une cotte de mailles ; chacun portait un bouclier, et soit une
lance soit une épée nue ; bien que personne ne s’attendît à la moindre
résistance, tous se tenaient prêts au combat. Le comte Falkes avait amené une
douzaine d’hommes d’armes, qui portaient des torches ; les flambeaux
supplémentaires donnés aux citadins, et les deux grands braseros en fer
installés de chaque côté du gibet – près du feu de joie –, baignaient
la place d’une vive lumière.
Presque toute la population ffreinc de Saint-Martin s’était
rassemblée pour le spectacle de l’Épiphanie, en compagnie des résidents de
Château Truan et des marchands qui avaient travaillé en ville ce jour-là.
L’abbé Hugo fit son apparition, éblouissant dans sa robe de satin blanc qu’il
portait sous une cape écarlate ; deux moines marchaient devant lui –
l’un tenait une crosse, l’autre une perche au bout de laquelle trônait une
croix dorée. Quinze moines suivaient, chacun muni d’un flambeau. La foule
s’ouvrait devant eux pour les laisser passer.
Richard de Glanville, shérif des Marches, se tenait sur la
plate-forme du gibet. Un silence plein d’attente s’était emparé de la foule.
« Conformément à la loi des Marches et sous l’autorité du roi William
d’Angleterre, annonça-t-il d’une voix forte dans le silence à peine troublé par
le remous des torches, nous sommes venus assister à cette exécution légale. Que
tous ici sachent à présent ce qu’il en coûte de refuser d’aider à capturer le
hors-la-loi connu sous le nom de Roi Corbeau et sa bande de voleurs. Tout
manquement sera considéré comme de la trahison à l’égard de la couronne,
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