1941-Le monde prend feu
la
reconstruction de tout le système d’entraînement et de formation des soldats ».
Des milliers d’hommes défilent au pas de parade.
Ils sont survolés par des centaines d’avions et suivis par
des unités motorisées, de nouveaux chars, les KV1 et les T34, engins énormes, dont
la maniabilité paraît grande.
On murmure dans l’immense foule qui assiste à la parade que
les usines d’armement tournent à plein régime, qu’on en construit de nouvelles
à l’abri des monts de l’Oural.
On dit aussi que les unités qui défilent se dirigeront, dès
la fin du défilé, vers Minsk, Leningrad et la frontière polonaise.
Staline, serré dans sa vareuse, salue les unités d’un petit
geste de la main.
Il paraît le plus insignifiant des dirigeants et des chefs
militaires qui sont alignés sur la tribune située sur le mausolée de Lénine.
Mais le 6 mai, Staline devient Président du Conseil des
commissaires du peuple.
Le secrétaire général du parti s’est mué en chef du
gouvernement soviétique. Il concentre tous les pouvoirs.
C’est un signe du danger qui menace le pays.
On s’attend à la guerre et cependant on ne la croit pas
possible. Hitler serait-il assez fou pour attaquer la première armée du monde, et
ce pays où s’est désagrégée la Grande Armée, cet espace où s’enlisent depuis
des siècles ceux qui croient pouvoir le conquérir ?
Le 5 mai, des centaines de jeunes officiers qui
viennent de terminer leurs cours dans les académies militaires sont reçus au Kremlin
par Staline.
On a rétabli, au bénéfice de ces jeunes hommes, le « commandement
personnel des officiers ». Ils ne sont donc plus soumis à l’autorité des
commissaires politiques.
Joukov a exalté le « professionnalisme militaire »
et expliqué la défaite de la France par l’« avachissement de l’armée ».
« Ce ne sera pas le cas de l’armée Rouge », dit le
général.
Staline prend la parole devant ces jeunes officiers figés, tant
ils sont tendus, écoutant cet homme sans prestance, mais qui est un bloc de
pouvoir auquel la crainte qu’il inspire donne une aura mystérieuse.
On est terrorisé par ce « tsar » et on a foi en
lui.
Il parle quarante minutes d’une voix monocorde, sans aucune
emphase.
« L’armée Rouge n’est pas encore assez puissante pour
écraser facilement les Allemands, dit-il.
« Pas assez de chars, d’avions modernes, de soldats
entraînés. Des défenses frontalières insuffisantes.
« Donc place aux moyens diplomatiques pour repousser
une attaque allemande jusqu’à l’automne, et il sera alors trop tard pour les
Allemands.
« Mais il sera presque inévitable que nous devrons
combattre l’Allemagne en 1942.
« Les conditions seront bien plus favorables. Nous
attendrons l’attaque ou nous attaquerons, car il n’est pas normal que l’Allemagne
nazie s’installe comme puissance dominante en Europe. »
Sans forcer le ton, Staline conclut que les mois à venir, jusqu’au
mois d’août 1941, seront les plus dangereux.
Il n’a jamais prononcé le nom de Hitler.
14.
Hitler, ce 14 juin 1941, à 11 heures du matin, écoute
le général von Brauchitsch, qui vient de parcourir plusieurs secteurs des 2 400 kilomètres
de ce qui sera dans huit jours le front de la Belgique à la mer Noire, de
Leningrad à Sébastopol. Brauchitsch parle debout, devant le Conseil des chefs d’état-major
des trois armes réuni pour la dernière fois avant l’assaut prévu pour le
dimanche 22 juin.
Hitler est assis au premier rang, les mains posées à plat
sur ses genoux. Souvent, il croise les bras, mais ses gestes sont lents, il
semble apaisé, attentif, concentré mais serein et presque joyeux.
« Les officiers et les hommes, dit Brauchitsch, sont
prêts à bondir. Ils ont hâte de se battre. Tout est en place. Les
reconnaissances ne signalent aucune mobilisation chez l’ennemi. »
À 12 h 30, lorsque la réunion s’interrompt pour le
déjeuner, Hitler s’adresse à ses généraux. Il va et vient, frottant ses mains, le
buste penché en avant, puis tout à coup, se redressant, la voix plus ample, les
yeux fixes, il parle :
« La chute de la Russie obligera l’Angleterre à
abandonner la partie, c’est là le premier objectif de notre attaque. Mais… »
Il s’interrompt, s’immobilise, reprend :
« Le combat que nous allons livrer dresse face à face
deux idéologies antagonistes. »
Il
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