1942-Le jour se lève
Des
généraux britanniques plus habiles et talentueux – Auchinleck et Montgomery –
ont pris la tête de la 8 e armée et Rommel est contraint d’arrêter
son offensive.
« On perd ici la notion du temps, écrit-il. Lutte
acharnée pour la dernière position avant Alexandrie. J’ai été au front pendant
quelques jours, vivant dans la voiture ou dans un trou de sable. L’aviation
ennemie nous a mené la vie dure.
« J’espère cependant mener mon affaire à bien. Très
chère Lu, je vous remercie du fond du cœur pour toutes vos lettres bien-aimées. »
Les 4 et 5 juillet 1942, il constate : « Les
choses ne tournent malheureusement pas comme je le voudrais. La résistance est
trop grande et nos forces sont épuisées. J’espère pourtant trouver un moyen d’atteindre
notre but. Je suis exténué.
« Nous vivons des journées très critiques. Mais j’espère
les voir passer… Le rassemblement de nos forces est fort lent.
C’est dur d’avoir ainsi à piétiner à 90 kilomètres d’Alexandrie.
Mais cela aussi aura une fin. »
Ce ne sera pas celle que Rommel espérait.
L’Afrikakorps est arrêté devant El-Alamein, comme si les
efforts surhumains déployés lui interdisaient de conclure l’offensive. Les
troupes britanniques de la 8 e armée, au sein desquelles
combattent les Français Libres, résistent victorieusement.
« Très chère Lu, écrit Rommel le 17 juillet 1942.
« Les choses vont vraiment très mal pour moi en ce
moment, tout au moins dans le domaine militaire. L’ennemi profite de sa
supériorité, particulièrement en infanterie, pour détruire les formations italiennes
une par une ; et les unités allemandes sont bien trop faibles pour rester
seules. Il y a de quoi pleurer. »
Le lendemain, 18 juillet, il ajoute :
« La journée d’hier a été particulièrement dure et
critique. Nous nous en sommes encore tirés. Mais cela ne peut aller longtemps
ainsi, ou bien le front craquera. Militairement, c’est la période la plus
difficile que j’aie traversée. Il y a de l’aide en vue naturellement, mais
vivrons-nous assez pour la voir arriver ? Je suis, vous le savez, un
optimiste impénitent. Il y a pourtant des situations où tout est sombre. Cette
période, il est vrai, passera elle aussi. »
21 .
Rommel veut croire qu’il peut encore reprendre l’initiative,
arrêter les Britanniques de la 8 e armée – Anglais, Indiens,
Australiens, Néo-Zélandais, Français Libres.
Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1942, les Britanniques
se lancent à l’assaut des positions de l’Afrikakorps. Les fantassins sont
appuyés par deux centaines de chars. Les Allemands et les Italiens résistent,
« usent » les Anglais, font près de 1 400 prisonniers, détruisent
140 chars.
Et Rommel peut adresser un ordre du jour à ses troupes :
« Je vous exprime ma satisfaction à tous pour votre
belle conduite au cours de notre défense victorieuse du 22 juillet. J’ai
pleine confiance que toute nouvelle attaque de l’ennemi sera reçue de la même
manière. »
L’Afrikakorps est toujours face à El-Alamein.
Un calme précaire s’établit.
Rommel parcourt la ligne de front, découvre cette « dépression »
d’El-Qattara, sorte de « mer morte » vide, située bien en dessous du
niveau de la mer.
« Nos plus gros ennuis prennent fin », répète-t-il
à sa « très chère Lu ».
Il veut le croire, se défend contre ceux, au Grand Quartier
Général du Führer, ou à Rome dans l’entourage du Duce, qui lui reprochent d’avoir,
après la victoire de Tobrouk, lancé l’offensive vers Alexandrie.
« Nous aurions été fous de ne pas bondir sur cette
chance unique qui nous était offerte, rétorque-t-il. Si à El-Alamein le succès
avait dépendu de la volonté de vaincre de la troupe et de son commandement, nous
aurions certainement gagné la partie. Malheureusement, par suite de la
désorganisation et de la carence des services de ravitaillement en Europe, nos
chances se trouvèrent réduites à néant. »
Il n’hésite plus à critiquer le commandement italien, le
dénuement de l’armée de Mussolini, dont l’armement est dérisoire, en qualité et
en quantité.
« Les unités sont pratiquement dépourvues d’armes
antichars capables de percer les blindages des chars ennemis. »
Par ailleurs, Rommel est scandalisé par la manière dont le
soldat italien, « étonnamment frugal et d’une
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