1944-1945-Le triomphe de la liberte
Vistule, se déploiera selon un axe Varsovie-Berlin.
Mais elle embrasera tout le front, du nord au sud, la
Prusse-Orientale, la Poméranie, la Silésie. Et pour finir, elle vise l’Oder et
Berlin.
« Mein Führer, dit Guderian, nous voici à minuit
moins cinq ou plutôt à la dernière minute. J’espère, Mein Führer, que
vous allez prendre la décision de ramener de l’Ouest les renforts indispensables
au front de l’Est, et cela cette nuit même. »
Le Führer, affalé jusque-là dans un fauteuil, se redresse,
les yeux flamboyants de colère.
« Je me suis rendu en personne à Cracovie, ajoute
Guderian, au groupe d’armées A, pour prendre connaissance de leur point de
vue qui est le mien. »
Guderian sait que le Führer, depuis le 1 er janvier
1945, a multiplié les offensives sur le front ouest, refusant d’admettre que la
bataille des Ardennes est perdue, jetant 8 divisions en Sarre, attaquant
en Alsace, n’acceptant le recul des troupes qu’après des jours de refus.
Cent vingt mille hommes – tués, blessés, disparus,
prisonniers – et 6 000 véhicules, 1 600 avions,
600 tanks et canons ont été ainsi perdus, qui auraient pu contenir les
Russes.
Mais Hitler s’est obstiné, répétant :
« En dépit de tout, nous tenons bon sur tout le front
est. »
Et c’est pourquoi Guderian est revenu accompagné de Gehlen.
« Il pourra vous présenter toute la documentation que
vous désirez. »
Le Führer est debout maintenant.
Il oscille, faisant quelques pas à la manière d’un
vieillard, traînant sa jambe gauche. Son dos est voûté, sa tête profondément
enfoncée dans les épaules, ses cheveux bruns sont parsemés de mèches grises. Sa
veste croisée pend sans forme de ses épaules. Il a le visage pâle et enflé.
Tout son corps exprime l’épuisement. Il a de la peine à lever son bras, sa main
gauche tremble.
Mais il hurle, sa voix, ses yeux révèlent une volonté que
seule la mort peut briser.
Il invective Gehlen tout en l’ignorant, en s’adressant à
Guderian.
Tout ce qu’on lui a présenté, ce sont des
« idioties », dit-il.
Il faut enfermer leur auteur dans un asile d’aliénés.
« Si vous envoyez le général Gehlen dans un asile, vous
feriez bien de me réserver le même sort », répond Guderian.
Hitler s’éloigne, revient, affirme que le « front est
n’a jamais possédé de meilleures réserves ».
« Le front est ressemble à un château de cartes. Si on
l’enfonce sur un point, il s’écroulera », dit Guderian alors que le Führer
quitte la salle de réunion-conférences.
Guderian, comme les généraux qui commandent sur le terrain,
imagine ce que peut être le sort des populations allemandes de Prusse, de
Poméranie, de Silésie, si l’armée Rouge occupe un territoire.
Les Russes se vengeront de ce qu’ils ont subi.
Déjà, les officiers de l’armée Rouge répètent à leurs hommes
rassemblés les conclusions des articles d’Ilya Ehrenbourg, l’écrivain devenu
propagandiste.
« L’Allemagne est une sorcière. Les villes allemandes
brûlent ? Je suis heureux. Les Allemands n’ont pas d’âme ! »
Ehrenbourg rappelle « les fosses communes, les ravins
remplis d’innocents, les champs de choux de Maidanek… ».
« Les bottines, les petits souliers et les chaussons
des petits enfants assassinés à Maidanek marchent eux aussi vers Berlin… Nous dresserons
des gibets à Berlin. »
Autant d’appels à la vengeance sauvage, à la haine, et donc
au pillage, au viol, au meurtre.
« Soldats de l’armée Rouge, tuez, tuez ! À mort
les fascistes, car il n’y a pas d’innocents chez eux ! Ni ceux qui vivent
ni ceux qui ne sont pas encore nés ! À mort ! À mort ! »
Or les Gauleiters de Poméranie, de Prusse, de Silésie, ont
reçu mission de convaincre les populations allemandes de demeurer chez elles.
Naumann, le secrétaire d’État du ministère du Reich pour l’Éducation populaire
et la Propagande, a répété devant une assemblée de plusieurs milliers de
personnes à Posen que jamais le front de l’Est ne serait entamé, que l’avance
russe allait se briser.
Les Gauleiters ont repris ce thème.
Arthur Greiser, Gauleiter de la province de la Warthe,
déclenche à chaque phrase les applaudissements lorsqu’il affirme :
« Nous n’avons jamais douté qu’en fin de compte nous
devions remporter la victoire. Nous n’avons jamais douté que le
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