1944-1945-Le triomphe de la liberte
(AMGOT).
Alors, le général de Gaulle a été tenu écarté pendant neuf
mois des préparatifs d ’Overlord !
Mais parce que la Résistance – dont on a besoin –
l’appuie, on reprend contact avec lui, à Alger.
De Gaulle est soupçonneux, sévère.
Londres, il y a quelques semaines, a coupé toutes les
communications avec Alger, isolant la France Libre.
Les États-Unis sont tout aussi hostiles à de Gaulle.
« Le gouvernement américain a délibérément cherché à me
rabaisser, dit de Gaulle à Edwin Wilson, l’ambassadeur des États-Unis à
Alger. »
Wilson conteste.
« Il voulait me mettre à une place subordonnée pour
hisser sur le pavois d’autres Français avec qui il préférait traiter. »
Darlan, Giraud, et avant eux Pétain. Quant aux Anglais… Il a
une moue de dédain.
« L’Angleterre est gouvernée par des hommes tortueux,
confie-t-il à un chef de la Résistance qui arrive à Alger. Pas très
intelligents, ils méprisent et craignent l’intelligence. Les Anglais ne peuvent
pas vouloir que la France devienne un grand pays… Et puis, le gaullisme
représente quelque chose qu’ils ne connaissent pas : il était si facile de
gouverner la France de la III e République en achetant les
généraux et les hommes politiques. »
Du perron de la villa des Glycines, de Gaulle regarde Alger
encore blanche sous le soleil rasant.
Dans quelques jours ou quelques mois, il quittera cette
ville.
Le Débarquement en France est proche. La 2 e Division
Blindée que commande le général Leclerc vient de quitter le camp de Temara,
près de Rabat, pour la Grande-Bretagne où elle sera équipée.
Il est d’autres signes, plus révélateurs encore : le
nombre de messages émis à destination de la France par Londres a augmenté
considérablement. Le commandant allié s’adresse à la Résistance, par-dessus la
tête du Gouvernement Provisoire. Soit.
« Nous ne demandons rien, martèle de Gaulle. Il y a
nous ou bien le chaos. Si les Alliés de l’Ouest provoquent le chaos en France,
ils en auront la responsabilité et seront les perdants. »
Il faut utiliser cette situation. De Gaulle répète ce qu’il
vient d’écrire à Sa Sainteté Pie XII :
« Des circonstances, peut-être providentielles, ont
groupé derrière nous en une seule volonté de vaincre et de refaire la France…
tous ceux qui défendent contre l’envahisseur l’unité et la souveraineté
nationales. »
Voilà notre force. Les Alliés paraissent disposer de toutes
les cartes ? De Gaulle secoue la tête. Il pense à juin 1940, à sa
solitude. Maintenant, il existe une armée française qui se bat en Italie, des
divisions qui un jour débarqueront, une marine, un Gouvernement Provisoire
administrant un Empire.
Et surtout, l’adhésion de ces dizaines de milliers d’hommes
qui se battent en France.
« Si nous tenons, dit-il, les Anglo-Américains finiront
par s’incliner. Du reste, il en a toujours été ainsi : ils nous ont
toujours tout refusé et ont toujours accepté le fait accompli. »
De Gaulle va et vient dans le jardin de la villa. Il a
besoin de se retrouver seul.
Il a accepté, ce matin du 2 juin, de recevoir Duff
Cooper, l’ambassadeur de Grande-Bretagne en France. À la condition que les
communications soient rétablies entre Londres et Alger. L’ambassadeur a
accepté. Il a été conciliant, insistant. Il a transmis un message du Premier
ministre. De Gaulle le relit :
« Venez maintenant, je vous prie, ici avec vos
collègues aussitôt que possible et dans le plus grand secret, écrit Churchill.
Je vous donne personnellement l’assurance que c’est dans l’intérêt de la
France. Je vous envoie mon propre York ainsi qu’un autre York pour vous. »
L’avion personnel du Premier ministre, a insisté Duff
Cooper. « Vous serez l’hôte du gouvernement de Sa Majesté », a-t-il
précisé.
Bien sûr, cela signifie que le Débarquement est pour dans
quelques jours, peut-être quelques heures. Mais il ne faut pas céder à ce qui
peut être aussi une manœuvre, car aucune négociation n’a abouti à propos de
l’administration des territoires libérés.
Il faut convoquer le Gouvernement Provisoire. L’atmosphère
est tendue. Les commissaires divisés.
« Ce n’est qu’une machination pour m’amener à prononcer
un discours qui fera croire aux Français que je suis d’accord avec les Anglais
et les Américains alors qu’en fait je ne le suis
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