4 000 ans de mystifications historiques
distinctes, comme l’a établi la journaliste Marie Hubert (91) .
Roux était bien aux États-Unis, le jour de l’attentat, mais il se trouvait chez un notable de Fort Worth et son alibi était indiscutable.
La veuve de Michel Mertz, décédé en 1994, interrogée par Marie Hubert (92) , démentit formellement que son mari eût été aux États-Unis en novembre 1963.
Enfin, Jean Souetre, interrogé en 1999 par une autre journaliste, déclara n’avoir pas non plus été aux États-Unis à la date de l’attentat et supposa que Mertz aurait pu s’y trouver, après avoir emprunté son identité. Les deux hommes se sont, en effet connus dans la Résistance ; ils ont eu tous deux un passé pour le moins mouvementé et dont la teneur dépasse le cadre de ces pages. Mais ils ne s’étaient pas revus depuis 1961. L’hypothèse d’un emprunt d’identité par Mertz paraît hautement spéculative, pour dire le moins.
Comment les trois noms ont-ils pu se retrouver sur le document 632-796 pour désigner, au-delà de toute vraisemblance, la même personne ? Le SDECE n’a pu commettre une erreur aussi grossière. Les alias mentionnés sur le document supposé de la CIA seraient donc le fruit d’une erreur américaine. Une erreur ? La photo de Souetre communiquée audit M. Papich eût suffi à démontrer qu’il n’avait aucun rapport avec Roux, qui séjournait à Fort Worth. En dépit du salutaire secret qui les voile, les bévues des services secrets sont notoires ; elles feraient l’objet d’un best-seller, pour peu que l’auteur fût suicidaire.
Une analyse du document 632-796 – qui, tout aussi bizarrement n’est jamais mentionné dans le rapport Warren – ne peut qu’inspirer la perplexité, sinon un scepticisme pointu. Il s’agit d’une note interne de la CIA qui fait état d’une requête adressée au FBI, lequel ferait appel à la CIA pour répondre à la demande d’informations du SDECE. Mais celui-ci ne peut avoir communiqué à l’attaché juridique de l’ambassade des États-Unis à Paris une requête aussi absurde que celle qui confondrait trois identités différentes. La déduction est simple : ce document est un faux. Il ne serait certainement pas le seul, et de loin, dans l’histoire des services secrets. Seule sa date est juste : c’est un poisson d’avril.
C’est le produit d’une tentative d’intox visant à faire retomber sur des étrangers, les Français, toujours taxés d’anti-américanisme primaire, la responsabilité de l’assassinat de Kennedy. À l’époque, Souetre est, en effet, soupçonné, à plus ou moins juste titre, d’être un partisan de l’Algérie française. Donc un soldat perdu capable de toutes les folies, y compris d’assassiner un président américain.
Les efforts pour masquer les véritables auteurs de l’entreprise d’assassinat de Kennedy ont ainsi inspiré des dizaines de mystifications telles que celle-ci.
Mais toutes les théories du complot ne sont pas motivées par l’instinct, de mystification. Et celui-ci ne se trouve pas toujours du côté que l’on croit, c’est-à-dire des profanes en quête de roman. Là, il y a vraiment eu un complot.
1973
Le mythe ténébreux de Salvador Allende
Pendant une longue décennie, celle des années 1970, et au-delà, l’image de Salvador Gossens Allende, premier président marxiste du Chili, scintilla de feux ardents dans l’imaginaire de la gauche occidentale, des deux côtés de l’Atlantique. Son suicide au palais présidentiel de La Moneda, le 11 septembre (une date décidément fatidique) de l’année 1973 l’éleva au niveau du martyr héroïque. Le coup d’État militaire qui l’avait poussé à ce geste désespéré et le régime dictatorial qui suivit, et s’attira la réprobation des démocraties occidentales, exaltèrent son statut.
Cependant, le bilan économique des trois années de présidence d’Allende ne contribua guère à l’éclat de l’homme d’État. L’expropriation sans compensations des compagnies minières américaines et le rachat forcé de compagnies privées avaient découragé les investisseurs. La réforme agraire, le gel des prix et l’augmentation des salaires avaient creusé le déficit fiscal, puis provoqué l’inflation et la pénurie alimentaire. Le crédit international s’était gelé. Des grèves éclataient, alors que le régime avait justement tenté de favoriser la classe ouvrière. L’URSS ne s’était pas encore
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