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4 000 ans de mystifications historiques

4 000 ans de mystifications historiques

Titel: 4 000 ans de mystifications historiques Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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courant idéologique confus autant qu’obstiné, mâtiné de notions scientifiques douteuses, vantait les capacités de régénération vitale de l’être humain. Ce « vitalisme » se fondait sur l’utilisation à outrance des vitamines – dont il a été depuis démontré que l’abus est toxique –, sur la gymnastique suédoise – et celle-là seulement –, sur les vertus souveraines du lait caillé et de l’huile de foie de morue, ainsi que les fameuses greffes, le tout sur fond d’eugénisme destiné à éviter la « dégénérescence de la race ». On ne fera pas ici l’inventaire des « fortifiants » à base d’arsenic, de strychnine, de sang de tortue et autres ingrédients qu’on fit ingurgiter à deux ou trois générations d’adolescents.
    En 1887, le célèbre anatomiste Charles-Édouard Brown-Séquard, successeur de Claude Bernard au Collège de France, et savant respecté à tous autres égards, suscita un tollé de réprobation quand il annonça qu’il s’était injecté, à soixante-dix ans, un « fluide » préparé à l’aide de testicules de mouton et qu’il avait, de la sorte, retrouvé son tonus musculaire et son alacrité d’esprit de jeune homme, ainsi que le « plaisir de vivre ». Il y survécut tout de même sept ans.
    En 1900, Alexis Carrel, plus prudent, effectua ses greffes sur des rats, à l’instar du Viennois Jürgen W. Harms. En 1906, un certain Jaboulay sauta le pas en tentant de greffer des reins de porc et de chèvre sur deux humains. Le résultat fut si déplorable que seul son patronyme y survécut. Ce fut aussi le cas de Hunger, de Neuhof et de Schonstadt, qui utilisèrent respectivement des reins de singe de Java, d’agneau et de macaque.
    En dépit de ces échecs, l’obsession s’enracinait. En 1915, le médecin d’origine russe Serge Voronoff greffa des thyroïdes de chimpanzés à des patients souffrant d’insuffisance thyroïdienne, et il greffa même un os de chimpanzé à un blessé de guerre. Or, Voronoff n’exerçait pas dans une officine douteuse : chirurgien en chef de l’Hôpital russe en France pendant la Première Guerre mondiale, il devint en 1921 professeur de chirurgie expérimentale au Collège de France.
    Or, en 1920, il greffa des testicules de singe sur un homme. En 1930, il avait pratiqué cinq cents interventions de ce genre. La mythologie du rajeunissement, elle, se portait bien.
    *
    Au stade de cette effroyable histoire, il convient de rappeler ceci : les greffes de tissus vascularisés entre deux espèces différentes, dites aussi xénogreffes, ne peuvent absolument pas prendre de façon durable. L’absence de compatibilité des groupes sanguins et des groupes HLA l’interdit ; telle est la raison pour laquelle même des greffes entre humains peuvent échouer. Des xénogreffes ont cependant été tentées jusqu’en 1999 pour maintenir des fonctions vitales et non pour « rajeunir » les sujets : elles ont toutes échoué au bout de quelques heures ou de quelques jours. La seule perspective d’avenir pour le recours aux xénogreffes est l’utilisation d’animaux transgéniques, c’est-à-dire génétiquement modifiés pour ne pas être rejetés par le receveur. À l’époque, on n’y songeait même pas, puisqu’on ignorait quasiment tout de la génétique.
    De plus, les cellules sexuelles n’ont pas d’effet sur le processus naturel du vieillissement, qui est commandé par l’ADN du génotype.
    On objectera qu’un Voronoff ignorait ces deux points fondamentaux et qu’on ne peut donc pas le taxer d’imposture ou de mystification. Mais, s’il avait suivi ses patients de façon objective, il aurait forcément constaté que ses greffes ne tenaient pas et il y aurait renoncé. Presque uniformément positifs, ses rapports, cependant, entretenaient l’illusion d’une percée de la médecine : des hommes de soixante-trois à quatre-vingt-trois ans retrouvaient, selon lui, le tonus musculaire, l’élasticité de la peau, l’acuité visuelle et la vigueur de la libido, leurs cheveux repoussaient, leur tension artérielle baissait. Assertions frauduleuses, sans doute inspirées par la double autosuggestion du praticien et de ses patients.
    Et l’on frémit à l’idée que ces hommes aient transmis à leurs compagnes des spermatozoïdes de singe.
    Il en découle que, dans l’hypothèse la plus indulgente, Voronoff expérimentait une thérapeutique illusoire sur des êtres humains, ce qui est

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