A l'écoute du temps

seras
poignée comme nous autres pour endurer un homme du matin au soir, ce sera plus
le temps de regretter.
     
    — Comme si
t'étais à plaindre, fit son mari en feignant de s'offusquer de sa remarque.
     
    — Je me plains
pas. Je dis juste qu'elle est dans les plus belles années de sa vie, rétorqua
sa femme sur un ton sérieux. Elle est jeune et, surtout, elle est pas malade.
     
    — On n'est pas
pour commencer à se mettre à parler de maladie le soir de Noël, déclara
Laurette en s'efforçant de prendre un ton enjoué.
     
    Elle craignait
que sa belle-soeur se mette à parler de toutes les maladies imaginaires qu'elle
croyait avoir.
     
    Les invités en
auraient eu pour la soirée à l'entendre se lamenter sur son pauvre état de
santé.
     
    Quand les adultes
s'attablèrent, Denise aida sa mère à les servir avant de commencer à laver la
vaisselle avec l'aide de Carole.
     
    — Les filles,
aidez vos cousines à faire la vaisselle, ordonna Pauline à ses filles qui
s'apprêtaient à s'esquiver.
     
    — Voyons donc,
Pauline, c'est de la visite, protesta faiblement Laurette.
     
    — Laisse faire.
Avec ce qu'elles ont mangé, elles ont assez de force pour tenir un linge à
vaisselle.
     
    Après le repas,
Denise et Jean-Louis acceptèrent de jouer aux cartes avec les invités. On
sortit une vieille table 290 LA VOITURE D'ARMAND à cartes et on forma quatre
équipes qui s'affrontèrent dans des parties ponctuées d'exclamations et de
rires.
     
    À onze heures
trente, Armand donna le signal du départ.
     
    — Bon, on
s'ennuie pas, mais il va ben falloir aller en faire un bout, annonça-t-il en se
levant de sa chaise après avoir déposé les cartes devant lui.
     
    A deux reprises
déjà durant la soirée, ses filles étaient venues demander s'ils allaient
rentrer bientôt.
     
    — Bernard,
Marie-Ange, si ça vous tente, je peux vous laisser chez vous en passant. Il a
pas l'air de faire chaud dehors. Ça vous évitera de geler en marchant.
     
    Ces derniers ne
se firent pas prier et acceptèrent son offre avec plaisir.
     
    — Bon. Je vous
remercie pour vos politesses, dit Armand à Gérard et Laurette en chaussant ses
bottes après avoir endossé son manteau. Je vais aller faire chauffer le char.
Pressez-vous pas pour sortir, ajouta-t-il à l'endroit de son frère et des deux
femmes. Ça va prendre un petit bout de temps avant que le char soit chaud.
     
    Lorsqu'il quitta
la maison, un courant d'air glacial pénétra dans le couloir.
     
    — Sacrifice! Ça a
pas l'air chaud dehors, fit remarquer Bernard. Une chance qu'Armand va nous
laisser chez nous en passant.
     
    Quelques minutes
s'écoulèrent avant que Gérard se décide à quitter la cuisine pour aller
soulever le rideau masquant la fenêtre de la porte d'entrée pour voir si son
beau-frère allait rentrer. Au même moment, Armand Brûlé descendait de voiture
et revenait à la maison.
     
    — Maudit
calvince! jura-t-il en soufflant sur ses doigts gourds. Le char veut rien
savoir pour partir. Je pense que la batterie est à terre.
     
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    — Comment ça? lui
demanda Gérard. Il me semblait que ce char-là roulait comme un moine,
ajouta-t-il pour taquiner le propriétaire, morfondu.
     
    — Batèche! Il
marche ben de première classe quand il gèle pas autant. C'est sensible au
froid, ces affaires-là.
     
    — Pour moi, tu
ferais mieux de lui mettre une bonne couverte chaude quand il gèle comme à
soir, lui dit son frère, mi-sérieux. De toute façon, je pense qu'on est tous
poignes pour marcher à soir. Ça me surprendrait que tu trouves un garage ouvert
à cette heure-ci, le soir le Noël.
     
    — Ouais! On n'a
pas le choix. On va marcher.
     
    — Ah non, p'pa!
protestèrent en choeur Suzanne et Louise.
     
    — Vous deux, pas
un mot, leur ordonna Pauline, aussi fâchée que ses deux filles d'avoir à
marcher par ce temps froid.
     
    — Je vais revenir
demain matin m'occuper de la Dodge, annonça Armand, la main sur la poignée de
la porte. Laissez pas personne s'approcher de mon char, les jeunes, ajouta-t-il
à l'endroit de Richard et de Gilles.
     
    — C'est sûr, mon
oncle, répondit Richard sur un ton sérieux. On va passer la nuit à regarder par
la fenêtre pour être sûrs que personne y touche.
     
    Laurette regarda
par la fenêtre ses six invités se mettre en marche vers la rue Archambault
voisine. Ils formaient une petite troupe frileuse qui se déplaçait avec
précaution sur le trottoir glacé. Quand elle