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A l'écoute du temps

A l'écoute du temps

Titel: A l'écoute du temps Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel David
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Laverdière
fit un clin d'oeil discret à Yvon Dufour, assis en face de lui, avant de
reprendre la parole.
     
    296 LF. TEMPS DES
FÊTES
     
    — Je me demandais,
monsieur le curé, si vous me prêteriez pas votre Buick cet après-midi, dit-il à
son pasteur sur un ton léger.
     
    Le curé de la
paroisse Saint-Vincent-de-Paul sursauta légèrement en entendant ces paroles.
     
    — Quoi? Est-ce
que je vous ai bien entendu, l'abbé? Vous voudriez m'emprunter ma voiture?
     
    — Oui, monsieur
le curé. Mais ne vous inquiétez pas, ce serait pas pour faire une balade. Il
neige à plein ciel.
     
    Non, ce serait
uniquement pour aller à l'archevêché cet après-midi.
     
    — Vous manquez
pas d'air, l'abbé! s'insurgea le curé Perreault, estomaqué par une telle
impudence. Vous prêter ma Buick! J'aurai tout entendu! Vous saurez que mon
automobile est pas à la disposition des gens qui habitent le presbytère. Elle
m'appartient en propre.
     
    Le curé de
Saint-Vincent-de-Paul ne remarqua pas le sourire malicieux que sa réponse avait
provoqué chez son vicaire. René Laverdière savait très bien que son curé
n'accepterait jamais de lui laisser conduire son véhicule. Sa précieuse Buick
était l'objet de tous ses soins et il n'avait jamais laissé personne y toucher.
Il l'astiquait au moins ime fois par semaine et refusait de la stationner
ailleurs que dans le garage sous le presbytère de peur qu'un passant
n'égratigne sa carrosserie.
     
    — Prenez le
tramway, l'abbé, reprit-il sèchement. Ça va presque aussi vite. Il va vous
déposer presque à la porte de l'archevêché... En tout cas, pas trop loin.
     
     
     
    — J'avais pensé
que vous auriez eu pitié de l'un de vos vicaires avec un temps pareil, insista
Laverdière en conservant difficilement son sérieux. Mon rendez-vous est à une
heure et demie. Le secrétaire du cardinal m'a laissé entendre que c'était
important. Il a rien voulu me dire au téléphone, mais j'ai bien peur d'arriver
en retard.
     
    297
     
    — À une heure et
demie! s'exclama le curé Perreault en levant les yeux pour consulter l'horloge
murale. Mais pressez-vous, l'abbé. C'est sûr que vous allez être en retard si
vous vous grouillez pas plus que ça. Vous devriez déjà être sur votre départ.
     
    — C'est pas
grave, monsieur le curé. Je serai en retard, répliqua le vicaire en prenant un
air misérable. Le secrétaire me prendra quand j'arriverai. Je peux tout de même
pas partir le ventre vide.
     
    — Et vous pensez
que le secrétaire va vous recevoir quand bon vous semble, s'insurgea le curé en
élevant la voix. Je connais l'abbé Tremblay. Il a mauvais caractère. Si vous
arrivez pas à l'heure, vous allez vous faire passer un savon dont vous allez
vous souvenir, je vous le garantis.
     
    — Sauf votre
respect, monsieur le curé, je le pense pas. Je vais lui dire que je suis en
retard parce que mon curé a pas voulu me prêter son auto et que j'ai dû
attendre le tramway et marcher un bon bout dans la neige. Il va comprendre.
     
    Le visage de
Damien Perreault vira au rouge. Il arracha brusquement la serviette de table
qu'il avait glissée entre son collet romain et son cou et la jeta sur la table.
Le timide abbé Dufour, devenu subitement très nerveux, avait cessé de manger
depuis un bon moment. Ses yeux ne cessaient d'aller du curé Perreault à son
collègue.
     
    — Bon. Ça va
faire! s'écria le curé en repoussant sa chaise. Arrivez, l'abbé. Je vais aller
vous reconduire moi-même à l'archevêché, expliqua-t-il les dents serrées.
     
    Comme ça, vous
pourrez pas dire que votre retard est dû à mon manque de compréhension.
     
    — Dans ce cas-là,
monsieur le curé, on aurait peut-être le temps de finir de manger, fit le
vicaire, narquois.
     
    — Non! Vous avez
pas le temps. Venez! Vous ferez comme moi. Vous mangerez quand vous reviendrez.
     
    298 LE TEMPS DES FÊTES
Damien Perreault quitta la salle à manger en coup de vent. René Laverdière se
leva sans se presser en arborant un petit air triomphal assez déplaisant.
     
    — Quand je te dis
qu'au fond, c'est un bon diable, notre curé, dit-il à voix basse à son confrère,
en se penchant vers lui.
     

— Tu exagères,
René, le réprimanda Yvon Dufour.
     
    Un beau jour, tu
vas pourtant finir par trop tirer sur l'élastique...
     
    — Mais non,
protesta l'autre en riant. L'important, c'est que ça me fait un taxi qui me
coûtera pas cher.
     
    Le curé
Perreault, l'air renfrogné,

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