A l'écoute du temps
la
fête des Rois est même pas passée, protesta son fils.
— Laisse faire la
fête des Rois. Ça fait assez longtemps que je suis obligée de ramasser des
aiguilles partout sur mon prélart de cuisine. C'est à matin qu'on s'en
débarrasse.
Tu le mettras
dans la cour quand toi et ta soeur vous aurez fini de le dégarnir, on le mettra
sur les poubelles demain matin.
Pour sa part,
Richard était retourné livrer les commandes de la pharmacie Charland, mais il
savait qu'il ne garderait plus très longtemps son emploi. Le pharmacien l'avait
prévenu la veille du jour de l'An. Le livreur régulier blessé au dos avait fait
savoir à son patron qu'il pourrait reprendre son travail dès les premiers jours
de janvier.
Étrangement, la
perte de son emploi tracassait moins l'adolescent que le fait de ne pas revoir
Monique qui semblait ne pas être encore revenue de chez son grand-père.
Chaque soir, il
se transformait en amoureux transi.
Dès qu'il pouvait
jouir d'une minute d'intimité dans sa chambre à coucher, il exhumait de son sac
d'école la carte de Noël qu'elle lui avait donnée et il la relisait, le coeur
tout en émoi.
Par ailleurs, il
regrettait de plus en plus de ne plus avoir le temps de jouer au hockey dans la
rue avec ses copains. Quand il voyait des jeunes de son âge en train de
s'amuser lors de ses livraisons, il se demandait si ça valait la peine de
perdre ses vacances pour un peu d'argent de poche. Il acceptait encore
difficilement que sa mère perçoive la moitié de son maigre salaire pour lui
acheter des vêtements quand il en aurait besoin. Dans quatre jours, l'école
allait recommencer... Il en était au point de souhaiter que Charland lui
annonce le jour même qu'il n'avait plus besoin de ses services.
Le samedi
suivant, son voeu fut exaucé. Le pharmacien lui tendit sa dernière paye et le
remercia à la fin de la journée. Il neigeait un peu depuis le début de
l'après-midi, mais tout laissait croire que Montréal allait avoir droit à une
autre bonne chute de neige.
— Je suis
chanceux en maudit, pesta l'adolescent en rentrant chez lui. Juste comme je
pourrais jouer au hockey demain, je vais être poigne pour pelleter.
De plus, dès son
entrée dans l'appartement, sa mère le houspilla pour qu'il soupe rapidement.
— Comment ça se
fait que je suis tout seul à manger? demanda-t-il, surpris.
— On a déjà
soupe, fit Laurette en déposant devant lui une assiette de spaghettis.
— Vous avez soupe
ben de bonne heure! s'exclama Richard, étonné.
— L'ami de ta
soeur s'en vient veiller avec elle. Il faut que la cuisine soit propre quand il
va arriver. Parle moins et dépêche-toi à manger qu'on puisse laver ta
vaisselle.
— Ils vont
veiller dans la cuisine?
— Ils sont pas
pour aller veiller dans la cave, niaiseux, répondit sa soeur Carole.
— Oui, mais,
p'pa, comment on va faire pour écouter notre hockey, nous autres? demanda-t-il
en se tournant vers son père.
— Énerve-toi pas.
On va l'écouter quand même, fit son père, aussi agacé que son fils par ce
contretemps qu'il n'avait pas su prévoir.
— On pourrait
peut-être ploguer le radio dans notre chambre pour l'écouter, proposa Gilles.
— Ben oui,
finfin! se moqua sa mère. Ton père va aller s'enfermer toute la soirée dans
votre chambre pendant qu'on va avoir du monde dans la cuisine.
— Le radio va
rester sur sa tablette, dans la cuisine, déclara sans enthousiasme le père de
famille.
Si Gérard avait
réfléchi un instant avant d'accorder sa permission, il n'aurait jamais accepté
de voir ses samedis et ses dimanches soirs de hockey mis en péril par la
présence de l'ami de coeur de sa fille. Il lui aurait 316 LE TEMPS DES FÊTES
plutôt suggéré de l'inviter le dimanche après-midi, par exemple.
Laurette et
Carole venaient à peine de terminer le lavage de la vaisselle qu'on sonna à la
porte.
— Denise, va
ouvrir, lui cria sa mère. C'est pour toi.
La jeune fille
sortit de sa chambre où elle venait de terminer sa toilette et alla ouvrir à un
Serge Dubuc, pas beaucoup plus à l'aise que lors de sa visite précédente.
— Enlève ton
manteau et viens t'asseoir dans la cuisine, dit-elle à voix basse à son ami.
Ce dernier obéit
et la suivit dans la pièce voisine. Il salua les parents et Denise lui
présenta, un à un, ses frères et sa soeur.
— Tu nous as pas
vus la
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