A l'écoute du temps
un moment et
entra dans la chambre à coucher plongée dans l'obscurité dans l'intention de
réveiller son mari.
— Gérard,
viens-tu souper? demanda-t-elle à mi-voix.
C'est prêt.
Son mari se
souleva sur un coude, dans le noir, l'air un peu perdu.
— Quelle heure il
est?
— Six heures. Si
tu continues à dormir, tu vas avoir de la misère à t'endormir à soir, le
prévint-elle.
— Laisse faire.
J'ai mal à la tête et j'ai pas le goût de manger, dit-il, secoué par une quinte
de toux sèche.
— Bon, c'était
trop beau pour que ça dure. Un hiver sans grippe dans la maison, ça aurait été
trop demander, je suppose, déclara sa femme sur un ton fataliste. Recouche-toi
pas tout de suite. Je vais aller te chercher des pilules pour le mal de tête et
du sirop.
432 Elle revint
dans la chambre quelques minutes plus tard avec un verre d'eau, deux aspirines
et la bouteille de sirop Lambert.
— Tiens, prends
ça, commanda-t-elle à son mari en lui tendant les pilules et le verre d'eau.
Elle versa
ensuite dans le verre vide le contenu de deux cuillères à soupe de sirop
qu'elle le força aussi à avaler.
— Tu sais ben que
l'aspirine, c'est pas assez fort pour moi, se plaignit son mari, encore secoué
par une quinte de toux.
— Je vais envoyer
quelqu'un chercher des 222 à la pharmacie après le souper. Tu pourras en
prendre tout à l'heure.
Sur ce, sa femme
quitta la pièce en refermant la porte derrière elle. Il lui semblait étrange
d'avoir à soigner son mari qui n'était pratiquement jamais malade. Sa dernière
grippe devait remonter à près de cinq ans. Elle se souvenait encore à quel
point il avait été un patient récalcitrant et insupportable les quelques jours
où il avait été aux prises avec le virus. En pénétrant dans la cuisine, elle
demanda à ses enfants de faire le moins de bruit possible pour permettre à leur
père de se reposer.
Après le repas,
Richard se proposa pour aller chercher les pilules à la pharmacie Charland.
C'était moins pour rendre service que pour avoir la chance de fumer une
cigarette en toute quiétude. Quand il sortit à l'extérieur, l'adolescent se
rendit compte qu'il faisait passablement plus froid que durant l'après-midi à
cause du vent qui s'était levé. Il eut du mal à allumer sa cigarette, même en
cachant une allumette derrière sa main repliée. De plus, il avait les doigts
gourds en arrivant devant la pharmacie.
Même s'il était
gelé, Richard s'arrêta brusquement devant l'une des vitrines de la pharmacie.
Le propriétaire avait étalé une large banderole rouge sur laquelle était 433
écrit «Bonne Saint-Valentin». Il avait disposé dessous une dizaine de boîtes de
chocolat de toutes les tailles en forme de coeur. Une grande photo d'un couple
d'amoureux arborant un air extatique complétait le décor.
L'adolescent
entra dans la pharmacie, en proie à une vague mélancolie. Il songeait à Monique
en se disant que si ses parents ne s'étaient pas mis en travers de leur chemin,
ils fileraient encore tous les deux le parfait amour. Pendant un instant, il
caressa l'idée de lui acheter une boîte de chocolats, mais il n'avait pas assez
d'argent dans les poches et ne saurait pas comment dissimuler ce cadeau
jusqu'au moment de le remettre à l'élue de son coeur. Durant le trajet de retour
à la maison, il s'efforça d'imaginer un stratagème pour lui offrir tout de même
des chocolats le lendemain.
Gérard Morin se
leva en frissonnant après une nuit de sommeil agitée. Une mauvaise toux l'avait
empêché de dormir une bonne partie de la nuit.
— On gèle dans la
maison, dit-il en allant étendre les mains au-dessus du poêle pour les
réchauffer.
— Pas plus que
d'habitude, lui fit remarquer sa femme, qui l'avait précédé de quelques minutes
dans la cuisine. Je viens d'allumer le poêle. Ça va se réchauffer.
Elle s'approcha
de son mari et posa une main sur son front.
— Tu ferais ben
mieux de rester couché aujourd'hui, lui dit-elle en serrant contre elle les
pans de son épaisse robe de chambre. T'as l'air de faire pas mal de fièvre.
— Laisse faire.
Je suis pas pour me faire couper une journée d'ouvrage pour une petite grippe,
répliqua Gérard d'une voix éteinte. Fais-moi juste un café à matin pendant que
je me rase. J'ai pas le goût de manger.
434
— Il faut que tu
manges quelque chose avant de partir, dit sa femme
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