Aïcha
l’avait prévu. Dès le lendemain, Muhammad lui-même ôta les premières briques du mur de ma chambre. Barrayara me houspilla pour que je mange, boive et reprenne des forces aussi vite que possible.
— Quand la porte sera prête, tu devras être à côté de ton époux pour en passer le seuil.
Par bonheur, Muhammad ne pressa pas les travaux, bien au contraire. Ma mère Omm Roumane vint me visiter dans la chambre des servantes. Elle s’émerveilla devant la fin de ma maladie, devant ma bonne mine et d’autres faits sans importance. Son bavardage futile m’apprit que, déjà, elle savait tout ce qu’elle devait savoir. Et mon père Abu Bakr aussi.
Barrayara m’assura qu’il la questionnait régulièrement sur ma santé. Mais par la suite jamais il ne m’interrogea sur mon état. Jamais plus il ne fit allusion au petit-fils qu’il avait tant espéré et qu’il imaginait déjà sur sa selle en entrant dans Mekka. Jamais je ne pus deviner le moindre reproche dans son regard et ses manières envers moi. Muhammad, comme toujours, l’avait convaincu de la volonté d’Allah le Clément et Miséricordieux.
Un jour, Barrayara m’annonça la fin des travaux. Elle me revêtit d’une belle tunique provenant des coffres des Banu Qaynuqâ, glissa autour de mon cou le collier d’or offert par Muhammad et s’extasia sur ma poitrine, qui avait embelli.
— Ton époux sera comblé de te retrouver, me dit-elle. Tu es belle comme une nouvelle mariée. Oh que oui, tu es un don de Dieu ! Allah fait de nouveau un présent à Son Envoyé, et il saura bien le voir et s’en réjouir.
Barrayara en dit tant et tant, avec cette manière excessive qui pouvait être la sienne, qu’au moment de retrouver Muhammad ma crainte était plus forte que jamais que tous ces compliments ne soient que des mensonges. Ainsi étais-je faite. Le doute s’emparait de moi au moindre soupçon.
Mais Barrayara n’avait pas exagéré. Ou l’amour de mon époux était plus puissant que je n’osais le croire.
Pour ces retrouvailles, il me traita avec la tendresse, le désir et la vigueur d’une véritable nuit de noces. Et dès que Bilâl, à l’aube suivante, appela à la prière, les Croyants qui entrèrent dans la mosquée ouvrent de grands yeux : l’Envoyé d’Allah se tenait à genoux sur le seuil de la chambre de son épouse Aïcha. Moi, je lui lavais les cheveux avec soin et les parfumais d’huile et de pâte d’ambre. C’était la première fois qu’une chose pareille se voyait, mais pas la dernière.
De ce jour et sa vie durant, lorsqu’il se trouvait à Madina, jamais mon époux ne se fit laver les cheveux par une autre que moi. Et, toujours, ce fut sur le seuil séparant notre chambre de la mosquée.
Ce jour-là, du haut de l’escalier du prêche, il lança :
— Ô vous, Croyants, fuyez les puanteurs des soupçons. Trop de soupçons ne sont que des péchés. Cessez vos médisances, cessez vos calomnies. Allah est le Miséricordieux. Craignez de L’offenser par des lèvres souillées de malfaisances [12] .
Je sus que ces mots étaient destinés à étendre la paix et le respect sur moi.
Choisie
1.
Ma nouvelle chambre avait été embellie. Les murs avaient été consolidés par une épaisseur de palmes et de briques, puis blanchis de neuf. Des coussins et des couvertures nouvelles recouvraient la couche, présents de mon père à l’Envoyé. Des lampes à miroirs de cuivre et d’argent étaient suspendues aux poutres du toit. Dans l’angle opposé à ma couche, je découvris un haut tréteau supportant la cotte de mailles fine et la cuirasse cloutée de Muhammad, ainsi que deux longues épées à lame courbe dans leurs fourreaux splendidement ajourés de fil d’argent.
Jamais encore l’Envoyé n’avait déposé ses armes chez moi. Ma mère se moqua de ma surprise :
— C’est là leur place, m’assura-t-elle. Dans la chambre de l’épouse bien-aimée. Tu vas devoir apprendre à les entretenir.
Elle précisa que ces armes provenaient de la part de butin d’Omar ibn al Khattâb, qui en avait fait don au Messager.
— Aujourd’hui, chacun veut offrir les objets les plus beaux à ton époux. Comme à Mekka, quand les hommes revenaient victorieux d’une bataille. Rien n’était trop beau pour celui qui avait mené le combat. Mais l’Envoyé, lui, n’est pas dupe. Il sait reconnaître les hypocrites.
Ma mère Omm Roumane me montra la qualité de la cuirasse de mon époux, la finesse
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