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Alias Caracalla

Alias Caracalla

Titel: Alias Caracalla Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Cordier
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tenir compte.
Le seul remède est l’envoi de matériel pour organiser un circuit de postes fixes permettant d’organiser
une rotation des émissions. C’est la seule manière
de diminuer la durée de chacune et de protéger la
sécurité des opérateurs. Les radios ne risqueront plus
les arrestations au cours du transport de leur poste. »
J’admire qu’il comprenne si vite la difficulté des
liaisons radio, lui qui n’y connaît rien.

    Il griffonne ensuite un câble pour annoncer l’arrestation de Brault : « Expédiez-le quand vous le pourrez », me dit-il avec une sorte de résignation dans la
voix.

    Après avoir achevé mon travail, je rejoins
Cheveigné à déjeuner chez notre chère Colette . Chacune de nos rencontres — désormais officielles —
m’est une parenthèse à la fatigue d’une journée.

    Il arrive en dansant. Son exubérance m’attriste, le
jour même où je dois lui annoncer l’arrestation de
Gérard Brault et l’arrêt de toutes les émissions. « Je
les ai eus », me dit-il mystérieusement. Préoccupé,
ce mot n’éveille pas ma curiosité, d’autant qu’il nefait aucun commentaire. Durant le déjeuner, il me
semble sous pression.

    Nous attendons de nous retrouver dans la rue
pour parler du service. Depuis quelques jours, la
patronne est transformée : un homme partage sa
vie. Durant le repas, elle et lui, qui viennent visiblement d’abandonner leur lit à regret, s’embrassent et
se caressent avec tant d’ardeur qu’ils nous transforment en voyeurs. Son jeune amant affecte l’air
avantageux d’un homme dont l’emprise est absolue
sur sa conquête. Réfugié du Nord depuis l’armistice, il doit avoir une trentaine d’années. Colette nous
apprend qu’il est inspecteur de police. Elle peut
donc se livrer en toute impunité au marché noir et
nous servir à gogo des steaks ou des pâtisseries, qui,
en ces temps de pénurie, sont non seulement hors
de prix, mais hors la loi.

    Du coup, nous sommes nous aussi protégés des
vérificateurs du marché noir, toujours dangereux :
la police qui les accompagne embarque généralement
tous les clients. Yvon Morandat vient d’en être la
victime. Nous estimons que notre allure d’étudiants
décontractés est notre meilleure protection. Nous
sommes conscients néanmoins que nous devons
redoubler de prudence. Le repas me semble interminable tant j’ai hâte de connaître les raisons de
son exubérance.

    Dès que nous sommes dehors, marchant le long
des quais, Cheveigné se confie : « Hier, après dîner,
j’ai eu une vacation trop longue, à cause du nombre
de télégrammes en retard de Bidault. Je travaillais
la fenêtre ouverte. Tout à coup, j’entends des voitures qui s’arrêtent devant l’immeuble : portières
qui claquent, piétinement de chaussures à clous,
cris rauques en allemand. Je me penche et aperçoisdes voitures avec des policiers qui en sortent comme
des fous. Je débranche le poste, replie l’antenne et
place le tout au-dessus de mon armoire. Je me déshabille et m’étends à poil sur mon lit en m’absorbant dans un roman policier. À peine suis-je allongé
qu’on frappe furieusement à la porte. Je me lève et
ouvre dans cette tenue. Bousculé par deux hommes
qui font irruption dans la pièce en criant “police”,
je m’étends sur le lit avec mon livre tandis qu’ils se
penchent à la fenêtre. Me prend une idée folle : je
bande et commence à me branler ! Si tu avais vu les
Schleus ! Ils n’osaient pas me regarder, gênés comme
des filles devant un garçon tout nu prenant son plaisir. Marrant, non ? »

    Il me regarde intensément, heureux de ma stupeur :
« Après avoir soulevé mes livres sur la table, ouvert
l’armoire et examiné la cheminée, ils sont sortis au
moment précis où j’ai aperçu un morceau du fil
de mon antenne qui pendouillait sur le côté de
l’armoire ! Après leur départ, je me suis mis à trembler. Quand ils ont claqué la porte du bas, j’avais
débandé ! J’ai emporté immédiatement le poste chez
Mme Bedat-Gerbaut, de crainte qu’ils ne reviennent
fouiller la maison à fond. »

    Au fil du récit de son aventure, son visage est
devenu grave : derrière le masque espiègle, je perçois la peur. « C’est plus dur que de sauter en parachute », ajoute-t-il avec son rire d’enfant, signal de
son insouciance retrouvée. Comme avec Briant et
mes autres camarades d’Angleterre, je me sens
protégé par sa présence : à

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