Aliénor d'Aquitaine : L'Amour, le pouvoir et la haine
l’aîné se trouvera ainsi investi de l’héritage maternel, et le cadet de l’héritage paternel. Mais le comte mourant connaissait l’ambition de son fils. Pour s’assurer qu’Henri respecte ses dernières volontés, il avait fait jurer à ses fidèles de ne pas lui donner de sépulture tant qu’Henri n’aurait pas prêté serment de se conformer aux ultimes décisions de son père. Le jeune homme était en Normandie quand il apprit la mort de son père. Il hésita à prêter le serment que Geoffroy le Bel exigeait de lui, et puis, devant l’insistance des conseillers du défunt, s’y résolut sans grand enthousiasme. Nous verrons par la suite la manière dont il « honorera » sa parole.
Cela nous éclaire parfaitement sur les priorités politiques des Plantagenêt : en premier lieu le royaume anglais. Là est leur ambition, celle du père comme celle du fils, et tout doit être utilisé pour que l’objectif soit atteint.
De son côté, à partir de septembre, Aliénor n’a sans doute plus dissimulé les sentiments qu’elle éprouve pour le jeune duc de Normandie, maintenant comte d’Anjou. Les chroniqueurs nous décrivent, dans les derniers mois de l’année 1151, un Louis VII « enflammé par l’esprit de jalousie ». Ces mêmes chroniqueurs sont pudiquement silencieux sur la manière dont le couple a vécu la période qui va de septembre 1151 à mars 1152. Il semble que les deux époux aient décidé entre eux la séparation et probablement seuls quelques proches conseillers étaient dans la confidence. Nous savons simplement que le roi et la reine fêtent Noël à Limoges et sont ensemble à Saint-Jean-d’Angély pour la Chandeleur. Dans le même temps, sur les terres et les châteaux d’Aliénor, les Français faisant partie des garnisons sont remplacés par des Aquitains et Louis va jusqu’à faire démolir les fortifications en cours de construction.
Pour des esprits avertis, ce sont des signes qui ne trompent pas.
2 Le divorce et le mariage
Mars 1152. La cour royale est installée à Beaugency. C’est dans cette ville située en terre capétienne, mais proche du Poitou que Louis VII convoque un concile qui doit examiner la légitimité de son mariage avec Aliénor. Le 21 mars l’assemblée s’ouvre sous la présidence de Hugues archevêque de Sens dont dépend le diocèse d’Orléans. Sont présents des grands du royaume et quelques prélats importants : les archevêques de Rouen, Reims, Langres et celui de Bordeaux, Geoffroy de Loroux, qui avait marié le roi et la reine quinze ans plus tôt. Devant eux se succèdent des proches du couple royal qui tous jurent – « un serment plein d’artifice », écrira Gervais de Canterbury – que Louis et Aliénor sont parents à un degré de consanguinité prohibé par l’Église. Il n’y a pas de débat, comme on peut s’en douter. Le concile décrète l’annulation du mariage et les deux époux prononcent le serment requis pour la circonstance : « À partir de ce jour, je ne m’unirai plus avec ce parent ; je ne l’aurai ni par mariage ni par séduction ; je ne partagerai pas son repas, nous ne serons pas sous le même toit sauf à l’église ou dans un lieu public devant témoin. »
Bien évidemment la cause était entendue. Il n’y avait que deux manières de mettre fin au mariage : l’adultère ou la consanguinité. L’adultère, c’était entacher l’image de la couronne, l’image du roi – et on se doute que, même s’il pouvait se poser des questions sur le sujet, Louis VII ne devait pas souhaiter passer officiellement pour « cocu » – et jeter une ombre sur la légitimité des deux filles qu’Aliénor et Louis avaient eu ensemble et qui, si le sort s’obstinait à ne pas vouloir donner d’héritier mâle à la couronne, pourraient avoir un rôle dynastique à jouer. Cette solution fut donc rapidement écartée ; restait la consanguinité. Aliénor l’avait déjà agitée à Antioche. Selon le droit canon de l’époque, l’argument était recevable. Les époux étaient en effet cousins aux quatrième et cinquième degrés à la fois du côté de Louis où ils avaient tous les deux Robert II le Pieux comme ancêtre, et du côté d’Aliénor par le comte de Saint-Gilles, Pons de Toulouse. Et pour faire bon poids, ils descendaient, au sixième degré, de Guillaume III, duc d’Aquitaine et beau-père d’Hugues Capet. Il faut tempérer les choses, ils n’étaient malgré tout parents
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