Amours Celtes sexe et magie
mère lorsque celle-ci est sur le point de trépasser, mais le fait est là : c’est un refus caractérisé de maternité qui ne s’explique guère si l’on prend le contexte à la lettre. Il faut dire que tout est légendaire dans cette « vie de saint Hervé ». On n’est pas sûr de son existence réelle, mais la tradition est plus forte que tout, et cette anecdote témoigne bien entendu d’une certaine mentalité qui devait être commune vers le VI e siècle de notre ère dans le fond des campagnes armoricaines.
Cependant, le pénitentiel de Cummean prévoit également comment doivent se comporter les gens mariés : ceux-ci doivent garder la continence « pendant les trois quarantaines, le samedi et le dimanche, jour et nuit, et les deux jours prescrits (jeûne du mercredi et du vendredi), ainsi qu’après la conception et pendant les périodes menstruelles ». Si l’on comprend bien, il ne reste pas beaucoup de temps aux époux pour accomplir ce qu’on appelle le « devoir conjugal ». De plus, après la naissance d’un enfant, il faut s’abstenir « trente-trois jours pour un fils, soixante-six pour une fille ». On remarquera que la naissance d’une fille est soit redevable d’un doublement de la pénitence, soit une cause d’impureté. Mais cet interdit moral ne semble pas d’origine celtique : il est plutôt d’origine judaïque.
Un autre pénitentiel, qui a été très répandu à travers toute l’Irlande, celui attribué à saint Finnian, va encore plus loin dans les détails. « Si quelqu’un a détourné une vierge consacrée et lui a donné un enfant, que ce laïc fasse pénitence trois ans, la première année au pain sec et à l’eau et sans rapports avec sa propre femme. Pendant ce temps, il ne devra pas porter les armes. Les deux années suivantes, il s’abstiendra de viande et de vin, et n’aura pas de rapports avec sa femme. »
On remarquera l’obligation de ne pas assurer de service militaire pendant la période de pénitence, ce qui prouve l’évidente conjonction entre la sexualité et l’activité guerrière. Et ce qui est plus étrange, le pénitentiel de saint Finnian prévoit des cas où la fornication se produit à la suite de pratiques magiques : « C’est un péché monstrueux qui doit être expié par une pénitence de six ans (trois ans au pain sec et à l’eau, trois ans sans viande ni vin). » Il faut croire qu’une certaine magie sexuelle, héritée du druidisme, avait cours dans toute la population, car en fait, ce pénitentiel ne concerne pas que les moines et les nonnes, mais l’ensemble de la collectivité.
Il y a bien d’autres interdits d’ordre sexuel. D’après les Canones Hibernenses , un clerc doit en effet se garder de toute souillure : « La pénitence pour avoir bu un breuvage illicite contaminé par un laïc, homme ou femme, quarante jours au pain et à l’eau. » On se demande bien de quelle nature peut être ce « breuvage illicite », et cela n’est pas précisé. S’agit-il d’un breuvage magique ? Il semblerait plutôt que ce soit un mélange aphrodisiaque, une vieille recette des temps druidiques, mais on n’en sait pas plus là-dessus.
Ces prescriptions assez spéciales sont difficilement compréhensibles, mais elles sont toutes liées à la sexualité. Ainsi, toujours dans les Canones Hibernenses , on apprend ceci : « Pour avoir bu un breuvage contaminé par une servante enceinte ou celui qui habite avec elle, quarante jours au pain et à l’eau. Si on a chanté le service après la mort d’une servante enceinte, ou de celui qui habite avec elle, quarante jours au pain et à l’eau. » À ce point-là, on a peur de comprendre : faut-il voir dans ces interdits la constatation d’un état de fait, en l’occurrence certaines pratiques de sexualité collective ?
Ces pénitentiels irlandais sont les premiers en date pour toute la chrétienté. Leur rigueur et aussi leur étrangeté ont certes frappé les autres chrétiens, mais en les dépouillant de leurs éléments manifestement trop « païens », ils les ont finalement adoptés tout en les adaptant aux nouvelles donnes sociologiques. Car, selon ces pénitentiels, il est toujours possible de se libérer d’une pénitence en accomplissant un acte de substitution. Toujours dans les Canons Hibernenses , on peut lire : « Équivalence d’un jeûne spécial : cent psaumes et cent génuflexions. Équivalence d’un
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