Amours Celtes sexe et magie
parce qu’ il est agi . Il faut se débarrasser du vernis romantique qui fausse le problème, et dans lequel on n’a que trop tendance à considérer la passion comme créatrice de grandes œuvres littéraires ou artistiques. En réalité, la passion n’est qu’une destruction, comme l’a si bien montré Racine dans ses implacables tragédies et, n’en déplaise aux rêveurs qui en font un moyen d’échapper aux contingences, elle se borne à aggraver le sort des existants humains en les rendant sujets de leurs illusions.
La passion n’est jamais consentie. Elle submerge ceux qui ne croient plus à l’amour. Et pourtant, l’amour est d’une extraordinaire ambiguïté : « Amour, seul amour qui sois, amour charnel, j’adore, je n’ai jamais cessé d’adorer ton ombre vénéneuse, ton ombre mortelle. Un jour viendra où l’homme saura te reconnaître pour son seul maître et t’honorer jusque dans les mystérieuses perversions dont tu l’entoures » (André Breton, L’Amour fou ).
Car il s’agit bien d’un amour fou . L’amour, vu par les Celtes, n’a pas besoin d’être réinventé. Il existe. Mais, comme bien des traditions laissées pour compte, il a été occulté. Il suffit de le réactualiser, tel qu’il apparaît dans certains textes littéraires datant d’une époque où l’on savait encore que « l’amour, tel que je l’envisage, est un dispositif de miroirs qui me renvoient, sous les mille angles que peut prendre pour moi l’inconnu, l’image fidèle de celle que j’aime, toujours plus surprenante de divination de mon propre désir et plus dorée de vie » (André Breton, L’Amour fou ). Et comme par hasard, en ces époques qui nous paraissent lointaines, les plus belles histoires d’amour sont murmurées par la voix de la Femme, cet être mystérieux et divin qui entretient le pont fragile qui relie encore le Ciel et la Terre.
Les femmes provocatrices
Ce qui est assez remarquable dans les récits celtiques ou d’origine celtique, c’est le rôle prépondérant que jouent les femmes dans les relations amoureuses ou dans les « brèves rencontres » uniquement sexuelles. En effet, la plupart du temps, ce sont elles qui provoquent les hommes, et cela sans vergogne, soit parce qu’elles sont saisies d’une frénésie érotique, soit parce qu’elles éprouvent un réel amour pour un personnage qui a attiré leur attention. De toute façon, c’est la femme qui choisit son partenaire, tandis que l’inverse se produit beaucoup plus rarement. Ce comportement est d’ailleurs parfaitement conforme à ce que les auteurs latins disaient des femmes gauloises, affirmant qu’elles étaient libres de se marier selon leur gré.
De toute façon, les femmes celtes, dans tous les récits, sont nettement présentées comme des provocatrices. On a vu que, dans la première branche du Mabinogi gallois, c’est Rhiannon qui vient rôder autour du palais du roi Pwyll dans l’espoir de se faire remarquer et aimer par lui. Le jeu auquel elle se livre est certes très subtil et dénote une grande habileté psychologique, car elle commence par susciter la curiosité du roi, mais se dérobe ensuite afin d’exciter davantage son intérêt et faire en sorte que ce soit lui qui lui propose le mariage. C’est évidemment là où elle voulait en venir. Il en est de même pour Derforgaille qui vient s’offrir littéralement à Cûchulainn parce qu’elle est tombée amoureuse du héros sur la foi des récits concernant ses hauts faits et prouesses.
D’ailleurs, Cûchulainn n’est pas au bout de ses peines, si l’on peut dire. Un autre texte irlandais, La Maladie de Cûchulainn , nous en fait part avec force détails. L’histoire commence lors de la fête druidique de Samain , qui correspond à la nuit qui précède la Toussaint des chrétiens, nuit où le temps est aboli et où, comme le disent les vieilles croyances, les sidh , c’est-à-dire les tertres mégalithiques censés abriter les êtres féeriques, particulièrement les fameux Tuatha Dé Danann, sont ouverts et où l’on peut pénétrer impunément et en sortir sans problème.
Or, un soir de Samain , les Ulates sont réunis dans la plaine de Murthemné et se livrent à des jeux, des tours d’adresse et aussi à des récits concernant leurs exploits réels ou imaginaires, les Celtes, d’après les auteurs de l’Antiquité, étant très forts sur la vantardise et les discours hyperboliques. C’est alors qu’une
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