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Amours Celtes sexe et magie

Titel: Amours Celtes sexe et magie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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toi-même, c’est Éogan, fils du roi de Fernmag, que je hais le plus, pour avoir tué celui que j’aimais. » Conchobar, au comble de la fureur, lui dit alors   : « Eh bien   ! tu seras sa compagne pendant une année entière   ! »
    La vengeance de Conchobar est accomplie. Le lendemain, Éogan emmène avec lui Déirdré dans son char, tandis que le roi la nargue une dernière fois   : « Eh bien, Déirdré   ! te voici comme une brebis entre deux béliers, ce me semble   ! » Déirdré manifeste alors sa colère   : « Malédiction sur toi, Conchobar   ! Tu ne te contentes pas de faire souffrir les victimes, tu les insultes. Mais sache que le destin se vengera grandement sur toi des maux que tu as causés. Malédiction sur toi, roi des Ulates   ! »
    « Puis, comme un grand rocher se dressait au bord du chemin, devant le char, Déirdré sauta et se jeta si bien contre le rocher, la tête la première, qu’elle se fracassa le crâne et mourut ainsi de désespoir d’avoir perdu Noisé, le fils d’Usnech à la chevelure plus noire que le plumage du corbeau, les joues plus rouges que le sang, au corps plus blanc que la neige d’hiver (45) . »
    Telle est donc la destinée de celle qui avait affronté la société et les lois en vigueur pour l’amour fou qu’elle portait à un homme. On pourrait dire que le malheureux Noisé était la victime dans cette histoire tragique, car c’est à son corps défendant qu’il s’était laissé entraîner dans cette situation qui n’avait d’autre issue que la mort. On répète toujours qu’il n’y a pas d’amour heureux. La légende de Déirdré semble le démontrer, comme elle démontre également que l’amour fou peut exister chez une femme consciente de sa liberté et qui n’hésite pas, au risque de ce faire traiter d’obsédée par les psychanalystes, à braver tous les interdits, moraux et sociaux dans un amour fou, peut-être même pas partagé par son amant, qui ne connaît pas de limites.
    Cependant, c’est avec la vaste épopée de Diarmaid et Grainné , malheureusement fragmentée en différents épisodes rédigés à des dates différentes, mais qu’on peut reconstituer à partir d’un canevas qui remonte au IX e  siècle, qu’on en arrive au paroxysme de l’amour fou provoqué par la femme. Cette épopée est intégrée dans la vaste histoire plus ou moins légendaire centrée autour des Fiana et de leur roi Finn Mac Cool, qu’on appelle communément le « cycle de Leinster ».
    La trame est assez complexe. Le roi des Fiana a perdu toutes les femmes qu’il a épousées et il désire une nouvelle épouse. Il porte son choix sur Grainné (Grana), fille de Cormac Mac Airt, roi suprême d’Irlande, personnage quelque peu historique mais dont la légende s’est emparée très tôt pour en faire une sorte de demi-dieu, législateur autant que protégé du monde féerique. Grainné est donc donnée à Finn Mac Cool. « Mais ce ne fut pas une bonne chose, car Grainné haïssait Finn, et sa haine était si grande qu’elle la rendit malade. Quand elle se fut remise, Cormac, fils d’Ain, roi suprême d’Irlande, voulut donner une grande fête dans la maison royale de Tara en l’honneur de sa fille et du roi des Fiana. […] Le festin commença, et les serviteurs apportèrent aux convives force mets et force boissons (46) . » Mais c’est également au cours de ce festin que débute la tragédie.
    D’abord, Grainné, qui ne connaît presque personne dans cette assemblée, se fait nommer les participants au festin par l’un des druides de son père, nommé Dara. Celui-ci s’acquitte volontiers de sa tâche et, après de nombreux Fiana, lui montre Diarmaid O’Duibhné, « que l’on appelle aussi Diarmaid au clair Visage. Il est aimé et apprécié de tous les Fiana pour sa beauté autant que pour sa bravoure et sa générosité ». La description de Diarmaid (Dermot) vaut la peine d’être remarquée. C’est en effet un « jeune homme aux cheveux noirs comme la plume du corbeau, au teint blanc comme la neige et aux lèvres rouges comme le sang ». On croit reconnaître l’image de Noisé, fils d’Usnech, et il est évident que Grainné fixe son attention sur lui.
    C’est alors que Grainné, sortant de son abattement et de sa mélancolie, prend des décisions. Elle appelle une de ses servantes et lui dit   : « Va dans ma chambre. Prends la corne à boire que tu trouveras près de mon lit. » La servante

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