Amours Celtes sexe et magie
siècle, Le Livre jaune de Lecan , relate un terrible affrontement entre un roi et une jeune fille douée de pouvoirs magiques qui veut venger la mort de son père. Mais cela ne va pas sans déchirements intérieurs, car l’amour de la « sorcière » pour sa victime est plus qu’évident, ce qui ouvre d’intéressants horizons sur le raffinement psychologique des anciens Gaëls et détruit d’emblée l’opinion trop répandue selon laquelle l’analyse du comportement et des sentiments des personnages est totalement absente des récits épiques ou mythologiques.
Cela dit, La Mort tragique de Muirchertach est fort complexe car, à partir d’un élément apparemment historique (le roi Muirchertach a réellement existé au V e siècle de notre ère), le récit englobe quantité de réminiscences de l’époque druidique, même ravalées au rang de pratiques de sorcellerie, et des péripéties concernant des luttes d’influence bien compréhensibles entre les clercs chrétiens et les nostalgiques de l’antique religion. Car si l’Irlande a adopté sans grande difficulté le message évangélique dispensé par saint Patrick et ses successeurs, cela n’a pas été sans provoquer des heurts et des affrontements parmi les populations, selon qu’elles étaient régies par des chefs de tribus convertis ou des rois fidèles aux anciennes traditions.
Le roi d’Irlande, Muirchertach réside dans sa forteresse de Cletech, dans la vallée de la Boyne. Il est marié à Duaibsech, fille du roi de Connaught, qui lui a donné plusieurs enfants. Il règne sagement pour le plus grand bien du royaume. Or, un jour qu’il est parti pour la chasse, il quitte ses compagnons et se retrouve dans une plaine. « Il n’était pas seul depuis longtemps qu’il aperçut une fille de grande beauté, à l’agréable chevelure, à la peau claire, enveloppée d’un grand manteau, et il lui sembla qu’il n’avait jamais contemplé plus belle femme ni plus fine. Et son corps fut saisi de désir pour elle. Tout en l’admirant, il se disait qu’il donnerait bien toute l’Irlande pour une seule nuit avec elle, tant était violent son amour. Alors, il alla la saluer comme s’il la connaissait et lui demanda de ses nouvelles. » On remarquera que l’amour et la sexualité sont ici confondues, car l’indication « une seule nuit » en dit long sur la réalité de cette attirance qu’a le roi pour cette inconnue.
Cependant, la fille ne s’effarouche guère de la présence du roi. Elle lui déclare avec une grande franchise : « Tu es Muirchertach, fils d’Erc, roi d’Irlande, et je suis venue ici pour te rencontrer. » Très favorablement impressionné, le roi lui demande de venir avec lui et de passer la nuit en sa compagnie. Elle lui répond immédiatement : « J’irai, pourvu que tes dons soient agréables. » C’est incontestablement un langage de prostituée, mais comme le roi est bouleversé par son désir charnel, il ne réfléchit pas bien longtemps et lui dit : « Je te donnerai puissance sur moi. » La fille semble satisfaite, et elle saute sur l’occasion. Elle lui demande de confirmer cet engagement par un serment solennel. Muirchertach ne peut résister. Il prononce le serment qui va le lier à tout jamais à la fille et lui propose un programme de fêtes et de réjouissances que seul un roi peut offrir.
Mais la fille abat brutalement son jeu : « Ce n’est pas cela que je veux. Je te demande que mon nom ne soit jamais prononcé par toi, que Duaibsech, ton épouse, la mère de tes enfants, ne soit jamais présente quand je serai avec toi, et que les clercs ne puissent jamais pénétrer dans la forteresse de Cletech tant que je m’y trouverai. » Cette formulation équivaut à un contrat en bonne et due forme, assorti d’un véritable geis . Muirchertach ne peut plus faire autrement que d’acquiescer à la demande de la fille. Il promet tout, mais ne peut s’empêcher de murmurer : « Il aurait été plus simple pour moi de te donner une moitié de l’Irlande ! Mais, dis-moi quel est ton nom afin que je m’abstienne de le prononcer. » Il chante alors deux vers d’une singulière beauté : « Dis-moi ton nom, ô jeune fille, / toi, la plus aimée, femme étincelante étoile… »
La fille fait une étrange réponse. Elle dit en effet qu’elle s’appelle Sin. Mais ce nom gaélique a différentes significations et, bien qu’elle soit concise, il n’en est pas
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