Amy, ma fille

résister. Alors que le train était sur le point de partir, elle a sauté à quai et s’est ruée sur un taxi pour rentrer chez elle. Cette annulation de dernière minute a coûté trois cent mille euros.
    Après ça, Raye a annulé son concert au GQ Awards. Amy n’était pas en forme, même si elle soutenait le contraire. Et à l’écouter, c’était la faute de tout le monde sauf la sienne. Elle m’a annoncé que sa vie l’ennuyait à mourir et qu’elle voulait quitter Camden Town. Toutefois, quand j’ai mentionné les appartements que j’avais repérés, elle a tout refusé en bloc. Je suis sorti et j’ai donné un coup de pied dans un mur. Je voulais lui trouver une maison où elle puisse installer un studio d’enregistrement et la tirer ainsi de cette léthargie, mais elle refusait de m’écouter, ce qui était terriblement frustrant.
    Par ailleurs, la possibilité que Blake touche une partie de l’argent d’Amy m’inquiétait. Il m’avait répété qu’il voulait obtenir le divorce. S’il allait au bout de la procédure, il était possible qu’il reçoive des dommages et intérêts. Je voulais éviter ça, mais Margaret Cody, la comptable d’Amy, pensait qu’on pouvait difficilement l’en empêcher. Il fallait trouver une solution.
    Le lendemain, Amy avait l’air beaucoup plus en forme. Un jour elle était à l’article de la mort et le lendemain, elle se portait comme un charme. Elle suivait son traitement au Subutex, mais je la soupçonnais d’absorber d’autres substances.
    Le dernier concert était prévu sur l’île de Wight. Amy devait en assumer tous les frais : production, techniciens, musiciens, déplacement et autres, pour un total de quatre-vingt-seize mille livres. Elle était payée cent cinquante mille livres pour la soirée. Si elle annulait à la dernière minute, elle devrait quand même s’acquitter des frais. J’avais peur que Blake fasse encore une fois tout capoter. Dieu merci, elle a pu monter sur scène (avec du retard quand même) et le concert s’est très bien passé.
    C’était sa dernière prestation publique et ça m’a soulagé. Je ne savais pas ce qu’Amy en pensait ni comment elle allait remplir ce vide. Au moins, les concerts l’avaient aidée à sortir de sa déprime. Elle devait dorénavant se consacrer à son nouvel album. Je craignais qu’on entre dans une période dangereuse. Sa consommation de drogue semblait en baisse et je m’en réjouissais ; mais je ne comprenais pas pourquoi elle continuait d’en prendre puisque le Subutex fonctionnait. J’avais beau lui poser la question, elle refusait toujours de me répondre. Attitude typique, selon les ex-toxicomanes avec qui j’avais discuté.
    *
    Comme la santé d’Amy s’améliorait, Jane et moi avons pris des vacances bien méritées à Tenerife. À notre retour, nouveau problème : Blake avait refait parler de lui.
    Il devait être libéré sous surveillance et porter un bracelet électronique. J’étais catastrophé mais Amy, elle, était ravie. Elle voulait l’encourager à prendre du Subutex et à se désintoxiquer. Je savais que s’ils se revoyaient, ils retomberaient tous les deux dans la drogue en un rien de temps. Par ailleurs, Amy ne savait toujours pas que Blake avait l’intention de divorcer. S’il ne sortait pas de nos vies, tout redeviendrait comme avant.
    Toutefois, il y a eu quelques complications : la police a rechigné à le laisser sortir car son adresse officielle était Prowse Place, lieu où l’on soupçonnait un trafic de drogue. Il avait la possibilité de retourner chez sa mère, mais à cela, il a rétorqué qu’il préférait encore rester en prison. Amy était dans tous ses états et m’a annoncé qu’elle voulait déménager sur-le-champ avant de me demander si je ne voulais pas héberger Blake. J’étais estomaqué. Quand j’ai refusé, elle n’a pas compris ma réaction.
    Finalement, nous avons appris que Blake allait rester encore un an en prison. Amy avait donc douze mois devant elle. Dès début octobre, elle allait mieux et ne parlait presque plus de lui. Même si elle était toujours très maigre, sa santé s’améliorait. Jevan a confirmé qu’elle ne recevait plus aucune visite de dealers.
    Je suis allé voir Russell Brand chez lui, à Hampstead, pour lui parler d’Amy. Ses conseils d’ex-toxico se sont avérés très utiles. Il m’a présenté Chip Somers, son psy spécialisé dans les addictions à la drogue, avec qui j’ai