Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
André Breton, quelques aspects de l’écrivain

André Breton, quelques aspects de l’écrivain

Titel: André Breton, quelques aspects de l’écrivain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Julien Gracq
Vom Netzwerk:
chant des cieux, la marche des peuples.»
    «...Et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et dans un corps.»
    «...Cependant, c'est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l'aurore, armé d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes... »
     
    Les interprétations douteuses du silence de Rimbaud où l'on s'est trop longtemps égaré ne doivent d'aucune manière faire perdre de vue que son «message» (pour une fois l'expression se remagnétise de tout son sens) est avant tout l'annonciation de la bonne nouvelle que le royaume de la poésie est en nous, devant nous, si nous savons le conquérir. Il nous met en demeure de franchir le pas décisif de la poésie condiment à la poésie levain. Il est le premier à concevoir franchement la poésie comme un appel à une manière de vivre — une introduction à un mieux-vivre. Avec l'extrême lenteur de rayonnement des étoiles, par-dessus les eaux mortes du symbolisme ce sont les émanations de son œuvre qui viennent fonder en réalité le milieu insolite où baigne la poésie de notre temps, légitimer des expressions à première vue aussi singulières que (pour se référer à des titres d'ouvrages contemporains 2 ) «Poésie et vérité», «L'amour la poésie», «La vie recluse en poésie», «L'expérience poétique».  
    C'est dans le prolongement même de l'intuition de Rimbaud que s'insère, mais combien élucidée, systématisée, exacerbée, la conception que se fait Breton de la poésie. On n'en doutera plus en relevant dans Les Pas perdus l'aveu péremptoire et très lucide à la fois du précepte et de la source : «On sait maintenant que la poésie doit mener quelque part. C'est sur cette certitude que repose, par exemple, l'intérêt passionné que nous portons à Rimbaud.» Avec plus de vigueur encore s'il est possible, se fait jour dans le Premier manifeste la conception d'une poésie qui serait intuition ordonnatrice, injonction perpétuelle et guide sans ambiguïté, canal de toute «volonté de puissance» et étoile des mages à travers le désert du quotidien.
     
    «L'homme propose et dispose. Il ne tient qu'à lui de s'appartenir tout entier... La poésie le lui enseigne. Elle porte en elle la compensation parfaite des misères que nous endurons. Elle peut être une ordonnatrice, aussi, pour peu que sous le coup d'une déception moins intime on s'avise de la prendre au tragique. Le temps vienne où elle décrète la fin de l'argent et rompe seule le pain du ciel pour la terre! Il y aura encore des assemblées sur les places publiques, et des mouvements auxquels vous n'avez pas espéré prendre part. Qu'on se donne seulement la peine de pratiquer la poésie. N'est-ce pas à nous, qui déjà en vivons, de chercher à faire prévaloir ce que nous tenons pour notre plus ample informé...»
     
    Il serait difficile de désigner d'un doigt plus sûr la véritable révolution opérée. L'âge d'or, le Paraclet espéré («le temps vienne où elle décrète la fin de l'argent et rompe seule le pain du ciel pour la terre») situé maintenant très explicitement «en avant», la poésie mise en «pratique» devient la «route lumineuse qui y mène». Corroborée au moins d'un début de confirmation expérimentale («nous, qui déjà en vivons») une telle révélation nous est déjà présentée comme tout autre chose qu'une simple promesse.
    On ne s'en tiendra pas là. Remagnétisée jusque dans sa profondeur, objet de cette annonciation permanente, la poésie, valeur force à laquelle s'attache une «aura» de caractère mystique, va tendre avec l'évolution progressive du surréalisme à contaminer toute la vie consciente et à plus forte raison l'autre, et, polarisant peu à peu tout le domaine affectif, toutes les images mobilisées en d'autres temps par l'exaltation mystique, se faire divinité tutélaire, souffle du monde, quintessence et Souverain Bien. On ne peut comprendre profondément le surréalisme si l'on ne se rend compte qu'il a été, à tort ou à raison, une folie de la poésie, au sens où on a parlé d'une «folie de la Croix», qu'autour de la révélation poétique s'est centré grâce à lui un phénomène d'effervescence, de valorisation contagieuse et exorbitante qui l'apparente de très près aux états aigus de la transe religieuse. Comment autrement rendre compte de déclarations telles que celle que nous apporte le dernier écrit de Benjamin Péret

Weitere Kostenlose Bücher