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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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eux, l’arrivée de cinq hôtes inattendus – dont l’un semblait plus mort que vif – et de leurs serviteurs constituait un plaisir imprévu. Cependant, le séjour ne parut pas très bien commencer. La maison était grande, mais bondée. Judith était énervée, Yusuf morose, Raquel soucieuse et de mauvaise humeur.
    — Papa, dit-elle dès qu’elle put attirer son attention sans passer pour grossière, vous trouvez que Gilabert va plus mal ?
    — Non, mon enfant, et toi ?
    — Non, s’étonna-t-elle. Mais je n’ai pu faire autrement qu’entendre quand vous avez dit à ce prêtre que vous n’aviez pas grand espoir quant à sa survie.
    Elle-même n’avait remarqué aucun changement, mais elle s’en remettait toujours à l’extraordinaire capacité de son père à déceler la moindre amélioration ou la plus infime détérioration de l’état de santé d’un patient.
    — Je ne suis pas surpris que tu m’aies entendu. J’ai parlé très fort. Parfois il vaut mieux avertir les amis du pire à venir : quand le patient guérit, ils sont bien plus heureux, expliqua Isaac.
    — Je ne pensais pas que le prêtre se préoccupait des chances de Gilabert de s’en tirer.
    — Probable que non, mais moi, je m’y intéresse, et j’ai le sentiment qu’il sera plus en sécurité s’il circule une rumeur selon laquelle il n’y aurait plus d’espoir pour lui.
    — Vous voulez que celui qui a tenté de le tuer le croie.
    Elle prit le temps de réfléchir à cela.
    — Je vais voir ce que je peux faire pour qu’il se sente mieux. Maman est trop fatiguée.
    — Oui. Laisse ta mère profiter un instant de la compagnie d’une autre femme. Je vais me laver pour chasser la poussière du voyage. Où est Yusuf ?
    — Ici, seigneur, dit le garçon d’une voix terne.
    — Il est temps que tu te laves et que tu manges quelque chose, dit le médecin. Ensuite, nous nous mettrons au travail.
     
    La maison de Mordecai était située dans la rue principale du quartier juif, une avenue assez large pour que les plus grosses charrettes y passent sans difficulté. Yusuf ouvrit la porte et se plongea dans une foule de ménagères en train d’examiner poissons et volailles, de palper des légumes et de houspiller des enfants indisciplinés. Des serviteurs et des femmes trop pauvres pour se faire aider se frayaient un chemin avec les lourdes jarres pleines d’eau qu’ils rapportaient de la fontaine. Tout le monde était sorti car, que l’on fut riche ou pauvre, c’était vendredi, et il y avait encore beaucoup à faire avant que le coucher du soleil n’annonce le début du sabbat. Yusuf s’engagea dans une rue plus calme, puis une autre plus animée, et arriva enfin à la porte ouest du Call.
    À l’extérieur du quartier juif, la rue était bordée de hautes maisons et de commerces bien achalandés : elle était presque aussi bruyante et passagère que les artères du Call. Mais elle lui était aussi, il s’en rendit subitement compte, totalement étrangère. Avant de quitter la maison, il avait assuré à son maître que ses voyages l’avaient conduit à Barcelone et qu’il connaissait bien cette ville. Mais il ne reconnaissait rien du tout. La ville devait être plus grande qu’il ne le croyait, et le quartier où, perdu et sans domicile, il avait erré deux ans plus tôt, n’en constituait qu’une petite partie.
    « Tu as une langue pour demander, non ? se dit-il. Le premier venu pourra t’indiquer le palais de l’évêque. » Il traversa la rue et se dirigea vers un marchand d’olives à l’air très respectable. L’homme rentrait tonneaux et tonnelets dans sa boutique en vue de l’heure du dîner.
    — Pardonnez-moi, messire, pouvez-vous me dire où se trouve le palais épiscopal ?
    — Par là, dit le marchand occupé avec un geste vague de la main.
    Puis il leva pour la première fois les yeux de ses marchandises et parut frappé par un détail.
    — Pourquoi voudrais-tu voir l’évêque ? lui demanda-t-il. Ou peut-être que tu viens d’arriver en ville et que tu ne sais pas où est la cathédrale ?
    Et soudain, sa main jaillit pour le saisir par le bras.
    — Laissez-moi ! cria Yusuf.
    — Un garçon comme toi me serait bien utile. Tu n’as pas de maître, c’est ça ? Ou tu t’es enfui ?
    Yusuf s’agitait désespérément et repoussait le marchand d’olives.
    — Laissez-moi ! répéta-t-il.
    — Tu plaisantes, mon gars.
    — Holà, Esteve, fit une voix dans

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