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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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éperonnèrent leurs montures pour rattraper le franciscain.
     
    Samedi 3 mai
     
    De toute la nuit, Raquel ne dormit pas plus de quelques minutes consécutives. Grâce au ciel, elle ne partageait de chambre, et encore moins de lit, avec personne : nul n’était là pour être témoin de ses larmes. Quand ses pleurs cessèrent, les oiseaux étaient déjà éveillés, et le soleil s’était levé. Elle quitta son lit, hésitant à sortir de la chambre alors que le reste de la maison dormait encore, mais incapable d’y rester plus longtemps. Elle baigna son visage, puis utilisa l’éponge pour le reste de son corps comme si la détresse pouvait s’effacer sous les effets de l’eau. Elle se vêtit de sa robe la plus stricte et d’un surcot avant de se coiffer de manière sévère et de faire son lit pour dissimuler les traces de cette nuit d’insomnie. Enfin, elle descendit l’escalier.
    Le calme du sabbat était omniprésent. Dans la salle à manger vide, la table avait été dressée la veille : on y avait posé des assiettes de riz froid et de lentilles, de fromages et de pain, le tout recouvert de serviettes de lin ; il y avait également deux grands pichets de tisane froide. Raquel se servit une boisson à la menthe et emporta sa tasse vers la fenêtre close. Elle éprouva l’impression soudaine de ne plus pouvoir respirer dans cette pièce sombre. Elle posa sa tasse et secoua les volets.
    — Permettez-moi de vous aider, dit derrière elle une froide voix masculine.
    Elle se retourna pour faire face à Ruben.
    — Merci. C’est si confiné ici que je ne trouvais plus mon souffle.
    — Il fait bon dans la cour à cette époque de l’année, poursuivit-il en repoussant l’un des volets. Je vais y prendre mon déjeuner.
    — Je n’ai pas faim, répondit Raquel en frissonnant.
    — Vous êtes plus experte en médecine que moi. Je pense que vous devriez avaler quelque chose, mais cela ne me regarde pas.
    Agacée, elle prit un peu de pain et de tisane.
    — Nous devons parler de certaines choses, vous et moi, lui dit-elle. Peut-être vous rejoindrai-je. S’il n’y a personne d’autre.
    — Je ne suis pas certain que nous ayons quoi que ce soit à nous dire, répliqua-t-il en rougissant. Mais vous pouvez bien entendu vous joindre à moi.
     
    — Que prépare tante Dinah ? demanda abruptement Raquel.
    — Elle complote, répondit Ruben, l’air sombre. Je ne veux pas paraître grossier – ce que je veux dire, c’est que tout homme serait heureux d’avoir une femme telle que vous –, mais…
    — Vous ne voulez pas m’épouser.
    — Eh bien…
    Il devint franchement écarlate.
    — C’est exact. Je ne veux pas vous épouser. Si je le devais, je suppose que vous feriez une excellente épouse…
    — Moi non plus, je ne veux pas me marier avec vous. Ce n’est pas parce que je vous trouve déplaisant, non, mais…
    — Je comprends, vous aussi devez aimer quelqu’un d’autre, fit-il sur un ton beaucoup plus cordial.
    — Pourquoi ne pouvez-vous épouser la femme de votre choix ? lui demanda Raquel.
    — Elle n’est pas aussi riche que vous, et elle n’est pas de la famille. De plus, elle n’est pas aussi belle que vous, mais ils ne le savaient pas. Je crois qu’elle est faite pour moi. Elle m’aime, ce qui n’est certainement pas votre cas.
    — Comment le pourrais-je ? C’est la première fois que nous parlons ensemble. Et puis, je suis persuadée que je vous rendrais malheureux.
    — Que pouvons-nous faire ? dit Ruben, désemparé. Tante Dinah ne jure que par cette union.
    — Et l’oncle Joshua ?
    — Je ne crois pas que ça l’intéresse.
    — Dans ce cas, je vais en parler à papa, et vous à l’oncle Joshua. Sinon ces deux femmes auront réglé tous les problèmes d’ici la fin du sabbat. J’ai passé toute ma vie auprès de maman et je l’aime, mais je ne pense pas avoir envie de me marier pour emménager chez une femme qui lui ressemble.
     
    Fille respectueuse à la fois de l’Église et d’une riche et puissante famille, dame Elicsenda, abbesse de Sant Daniel, attendait à la porte du cabinet de l’archevêque, aussi impassible qu’une statue de marbre. À ses côtés se tenaient la révérende mère, Sor Marta ainsi que l’intendante de la maison de Tarragone. Derrière son visage inexpressif, l’abbesse calculait en silence jusqu’où elle pouvait se permettre d’aller en matière d’humilité.
    Le jeune page de l’archevêque les

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